''Tar'', film sur le pouvoir ou portrait ''misogyne'' d'une cheffe d'orchestre lesbienne ?

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Cate Blanchett une actrice australo-américaine, campe dans Tar un personnage narcissique, tyrannique, avec un comportement prédateur -suggéré plutôt que montré

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C'est un rôle pour lequel Cate Blanchett pourrait rafler son troisième Oscar, mais son personnage de cheffe d'orchestre toxique dans le long-métrage "Tar" a irrité Marin Alsop, une "maestra" pionnière, qui y a vu un portrait "misogyne".

Le film de Todd Field est un drame psychologique centré sur la chute de Lydia Tar, cheffe d'orchestre star (et fictive), qui se prépare à enregistrer la cinquième symphonie de Mahler avec le Philharmonique de Berlin.

Cette œuvre, grâce à laquelle Blanchett vient de remporter le Golden Globe de la meilleure actrice, a été saluée par les critiques et par Martin Scorsese, qui y a vu une lueur d'espoir dans "la période sombre" que traverse le cinéma.

Mais au fur et à mesure du film, on découvre un personnage narcissique, tyrannique, avec un comportement prédateur -suggéré plutôt que montré- et qui sera au final accusé d'abus.

"Ca dessert les femmes" 

Un portrait qui n'est pas sans rappeler le mouvement MeToo et des scandales qui ont éclaboussé le milieu de la musique classique, notamment les chefs d'orchestre James Levine et Charles Dutoit, ou encore le légendaire Placido Domingo.

A une différence près: Lydia Tar est une femme, et lesbienne.

De quoi offusquer l'Américaine Marin Alsop, pionnière puisqu'elle a été la première femme directrice musicale d'un orchestre réputé aux Etats-Unis, à Baltimore (et la seule, jusqu'à la nomination récente de la Française Nathalie Stutzmann à Atlanta).

L'actuelle cheffe principale de l'Orchestre symphonique de la radio de Vienne, âgée de 66 ans, avait estimé dans les colonnes du Sunday Times britannique que le film était "anti-femme".

"Mon souci n'a rien à voir avec Cate Blanchett, qui est une actrice impressionnante et accomplie", clarifie-t-elle auprès de l'AFP.

"Mon souci est qu'il s'agit encore une fois d'un portrait misogyne d'une femme au pouvoir", ajoute-t-elle, précisant que le fait que "le personnage devienne hystérique vient renforcer ces stéréotypes millénaires que les hommes ont sur les femmes".

Selon elle, il y a eu "historiquement tellement peu d'opportunités pour les femmes d'être au sommet", notamment sur les grands podiums, que montrer une cheffe d'orchestre "abusive" ne fait que "desservir la cause des femmes".

Lors de première du film à la Mostra de Venise en septembre, Blanchett avait indiqué qu'elle n'avait pas du tout pensé "au genre" du personnage et qu'il ne s'agit pas d'un "film sur des femmes mais sur des humains".

Récemment, sur la BBC Radio 4, elle a réagi aux propos d'Alsop, en affirmant qu'il s'agissait d'une "méditation sur le pouvoir" et que "le pouvoir n'avait pas de genre".

D'après le New York Times, le personnage de Tar serait inspiré en partie de Marin Alsop (les deux ont eu Leonard Bernstein comme mentor, sont lesbiennes et cheffes reconnues), mais Cate Blanchett a assuré que le personnage était entièrement fictif.

Dans le film, Lydia Tar humilie un élève de la prestigieuse Juilliard School, qui critique la musique classique comme étant dominée par des hommes blancs morts. Elle fait preuve de favoritisme envers une jolie soliste et aurait provoqué le suicide d'une musicienne.

"J'aurais espéré qu'un film dont la star est une cheffe d'orchestre dirigeant un grand orchestre international ouvrirait les portes" à plus de femmes, regrette Marin Alsop, qui avait créé l'un des premiers programmes de soutien aux cheffes d'orchestre.

"Je sais qu'il y beaucoup de gens qui ont aimé le film mais, pour une fois qu'on a l'occasion de voir une femme dans cette position, (...) pourquoi choisir une femme alors qu'il y a plein d'exemples d'abus de pouvoir chez les hommes?", s'interroge-t-elle.

D'après la Maestra, premier concours international pour cheffes d'orchestre créé en 2020 à la Philharmonie de Paris, le pourcentage de femmes à la tête d'orchestres dans le monde est passé de 4,3% en 2018 à 8% actuellement. (AFP)

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