Afrique du Sud : Déclin de l’ANC, perte de confiance et système en perte de vitesse

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Ce scrutin est historique parce c’est le premier depuis l'avènement de la démocratie et la fin du régime de l’apartheid en 1994 que l’ANC descend sous la barre des 50 % des voix

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Par Hamid AQERROUT (MAP)

Johannesburg - Les élections locales du 1er novembre 2021 en Afrique du Sud ont mis en évidence deux réalités tangibles : Le déclin du parti au pouvoir, le Congrès National Africain, qui a gouverné le pays pendant 27 ans et la perte de confiance des Sud-africains dans leur système politique.

Ces élections qualifiées d'«historiques» étaient en fait un véritable test non seulement pour le parti au pouvoir englué dans des scandales de corruption à couper le souffle, mais aussi pour toute la classe politique qui n’a pas honoré ses engagements à mieux servir les citoyens et résoudre les nombreuses crises multidimensionnelles dont pâtit le pays.

En attestent d’ailleurs le niveau record du chômage des jeunes (34%) dans un pays pourtant considéré comme la première puissance industrielle dans le continent, la criminalité rampante, l’endettement excessif de l’Etat, la corruption généralisée, les délestages électriques (…).

Historiques parce que ce scrutin est le premier depuis l'avènement de la démocratie et la fin du régime de l’apartheid en 1994 au cours duquel l’ANC a remporté moins de 50 % des voix nationales, soit exactement 46 pour cent des suffrages exprimés.

Le parti, qui a remporté 4.527 sièges, a vu ainsi sa part globale des voix se rétrécir de manière significative au fil des années. Celle-ci est passée de 61,95 % en 2011 à 53,91 % en 2016, en raison de plusieurs facteurs. L’ANC a ainsi perdu six des huit principales villes du pays.

Dans la province du KwaZulu-Natal, pourtant considérée comme fief de l’ANC, le parti a perdu sa majorité absolue dans de nombreuses villes et devrait donc nouer des coalitions avec d’autres partis pour pouvoir gouverner. C’est aussi le cas dans la province de Gauteng qui comprend la capitale Pretoria et Johannesburg, ainsi que des villes comme le Cap Occidental, Tshwane et Nelson Mandela Bay où le soutien au parti au pouvoir s’est effrité en raison de la mauvaise gouvernance et du manque de solutions alternatives.

Force est de constater qu’alors que le parti au pouvoir a subi des pertes humiliantes lors de ces municipales, les partis d'opposition ne sont pas non plus sortis vainqueurs en ce sens qu’aucun d’entre eux n'avait obtenu la majorité nécessaire (50% + 1) pour pouvoir former un gouvernement. D’où la nécessité des gouvernements de coalition.

L’ANC sanctionné pour ne pas avoir lutté contre la corruption

Même lors de sa pire performance électorale de son histoire, l'ANC a plus du double des voix du principal parti d’opposition, l'Alliance démocratique (DA), qui arrive en deuxième position avec 21 % des voix et s’assure ainsi 1.494 sièges. Le DA a lui aussi perdu son soutien lors de ces élections en chutant d'environ six points de pourcentage par rapport au scrutin de 2016.

Quant au troisième plus important parti du pays, les combattants pour la liberté économique (EFF), bien qu’il ait amélioré son score de deux points de pourcentage, il a insulté l'intelligence des électeurs en promettant aux pauvres sud-africains un «paradis sur terre», sachant très bien qu'aucune de ses promesses n'est réalisable dans un avenir proche.

Ce parti d’opposition s’est aussi attiré les foudres des blancs, car son leader Julius Malema prône l’expropriation de leurs terres pour les distribuer aux noirs.

C’est dire que les électeurs ont puni l'ANC pour ne pas avoir lutter contre la corruption généralisée et pour son incompétence à gouverner, mais ils n'ont pas récompensé l'opposition car ils estiment que celle-ci est incapable de présenter des propositions politiques concrètes qui apporteront le changement dont l’Afrique du Sud a tant besoin.

La faible participation électorale (46,5 %) est ainsi synonyme d’une perte de confiance des citoyens dans un système qui va mal. Seulement 12,2 millions d’électeurs ont effectivement voté aux élections municipales sur un total de 26,2 millions d’électeurs inscrits pour renouveler les mandats des maires et des 257 Conseils municipaux du pays.

Mais de l’avis de nombreux analystes, il n'y a pas que l'ANC qui doit s'inquiéter du fort taux d’abstention des électeurs à ce scrutin local. Tous les partis politiques se doivent de prendre conscience que la décision d'une grande majorité de citoyens de ne pas se rendre aux urnes est un signe clair qu'ils ont perdu leur légitimité, les Sud-africains ne croyant plus que les politiciens ont la volonté de résoudre leurs nombreux problèmes.

Le désintérêt des citoyens pour la politique renvoie aussi un message fort aux dirigeants du pays que si les choses ne changent pas, l’Afrique du Sud pourrait connaitre de nouvelles émeutes encore bien pires que celles de juillet dernier.