De Saïgon à Kaboul ; une bis repetita de l’histoire, mais qui sont ces talibans qui la font bégayer ?

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Des combattants talibans dans une rue de Laghman, le 15 août 2021 en Afghanistan

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Par Quid avec AFP

Les talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan, après être entrés à Kaboul, où leurs combattants ont pris possession du palais présidentiel et du sénat. La progression rapide des talibans après la décision de l’administration américaine de quitter l’Afghanistan n’est pas sans rappeler le retrait américain du Viêtnam en 1975, après 10 ans d’intenses combats avec les communistes de Hô Chi Minh. Saïgon, capitale alors du Viêtnam du sud, rebaptisée par ses conquérants Hô Chi Minh Ville, tombera sans coup férir, presque sans combat, le 30 avril 1975 entre les mains de l’armée populaire vietnamienne. Les alliés locaux des Américains, sans légitimité, abandonnés dans leur grande majorité sur place, en subiront les conséquences.  

46 ans après cette défaite humiliante qui traumatisera longtemps les Etats Unis d’Amérique, l’histoire est-elle en train de se répéter mais sans conséquences psychologiques pour la première puissance mondiale ? Abandonnés à leur sort, les hommes du pouvoir que les Américains avaient rapportés dans leurs valises lors de l’invasion en 2001 de l’Afghanistan, sont tombés, avec les villes qu’ils contrôlaient, les uns après les autres. Le mouvement islamiste radical revenient au pouvoir, 20 ans après en avoir été chassé par une coalition occidentale menée par les États-Unis sous le prétexte fallacieux de se saisir de Ben Laden d’éradiquer le terrorisme. 

Le sort de Kaboul celé, qui sont ces islamistes, au début mobilisés, formés et encadrés par les Américains pour combattre les Soviétiques, qui sont en train de prendre leur revanche sur l’histoire et sur leurs anciens tuteurs et parrains ?

Les arcanes du mouvement taliban, qui semble en passe de revenir au pouvoir en Afghanistan après avoir pris en quelques jours le contrôle de la majeure partie du pays, sont entourées de mystère, tout comme lorsqu'il dirigeait le pays entre 1996 et 2001.

Voici une brève présentation des principaux dirigeants de ce groupe islamiste radical.

Haibatullah Akhundzada, le leader suprême

Le mollah Haibatullah Akhundzada a été nommé à la tête des talibans en mai 2016 lors d'une rapide transition du pouvoir, quelques jours après la mort de son prédécesseur, Mansour, tué par une frappe d'un drone américain au Pakistan. 

Avant sa nomination, on savait peu de choses d'Akhundzada, jusque-là plus versé dans les questions judiciaires et religieuses que dans l'art militaire.

Si cet érudit jouissait d'une grande influence au sein de l'insurrection, dont il dirigeait le système judiciaire, certains analystes estimaient que son rôle à la tête du mouvement serait davantage symbolique qu'opérationnel.

Fils d'un théologien, originaire de Kandahar, cœur du pays pachtoune dans le sud de l'Afghanistan et berceau des talibans, Akhundzada a rapidement obtenu une promesse de loyauté de la part d'Ayman al-Zawahiri, le chef d'Al-Qaïda.

L’Égyptien l'a qualifié d'"émir des croyants", une appellation qui lui a permis d'asseoir sa crédibilité dans l'univers jihadiste.

Akhundzada a eu la délicate mission d'unifier les talibans, fracturés par une violente lutte pour le pouvoir après la mort de Mansour et la révélation qu'ils avaient caché pendant des années la mort du fondateur du mouvement, le mollah Omar.

Il a réussi à maintenir la cohésion du groupe et a continué à rester plutôt discret, se limitant à diffuser de rares messages annuels lors des fêtes islamiques.

- Le mollah Baradar, le cofondateur

Abdul Ghani Baradar, né dans la province d'Uruzgan (sud) et qui a grandi à Kandahar, est le co-fondateur des talibans avec le mollah Omar, décédé en 2013 mais dont la mort avait été cachée deux années durant. 

Comme nombre d'Afghans, sa vie a été transformée par l'invasion soviétique en 1979, qui en a fait un moujahid, et on pense qu'il a combattu aux côtés du mollah Omar.

En 2001, après l'intervention américaine et la chute du régime taliban, il aurait fait partie d'un petit groupe d'insurgés prêts à un accord dans lequel ils reconnaissaient l'administration de Kaboul. Mais cette initiative s'est révélée infructueuse.

Il était le chef militaire des talibans quand il a été arrêté en 2010 à Karachi, au Pakistan. Il a été libéré en 2018, sous la pression en particulier de Washington. 

Écouté et respecté des différentes factions talibanes, il a ensuite été nommé chef de leur bureau politique, situé au Qatar.

De là, il a conduit les négociations avec les Américains menant au retrait des forces étrangères d'Afghanistan, puis aux pourparlers de paix avec le gouvernement afghans, qui n'ont rien donné.

Sirajuddin Haqqani, le chef du réseau Haqqani

Fils d'un célèbre commandant du jihad anti-soviétique, Jalaluddin Haqqani, Sirajuddin est à la fois le numéro deux des talibans et le chef du puissant réseau portant son nom de famille.

Le réseau Haqqani, fondé par son père, est qualifié de terroriste par Washington, qui l'a toujours considéré comme l'une des plus dangereuses factions combattant les troupes américaines et de l'Otan ces deux dernières décennies en Afghanistan.

Le réseau est connu pour son recours à des kamikazes et on lui a attribué certaines des attaques les plus violentes perpétrées en Afghanistan ces dernières années.

Il a aussi été accusé d'avoir assassiné certains hauts responsables afghans et d'avoir retenu en otage des Occidentaux, avant de les libérer contre rançon ou des prisonniers, comme le soldat américain Bowe Bergdahl, relâché en 2014 en échange de cinq détenus afghans de la prison de Guantanamo.

Connus pour leur indépendance, leur habileté au combat et leurs affaires juteuses, les Haqqani seraient en charge des opérations talibanes dans les zones montagneuses de l'est afghan, et auraient une forte influence sur les décisions du mouvement.

- Le mollah Yaqoub, l'héritier

Fils du mollah Omar, Yaqoub est le chef de la puissante commission militaire des talibans, qui décide des orientations stratégiques dans la guerre contre le gouvernement afghan.

Son ascendance et ses liens avec son père, qui faisait l'objet d'un véritable culte en tant que chef des talibans, en font une figure unificatrice au sein d'un mouvement large et diverse.

Les spéculations sur son rôle exact dans le mouvement sont toutefois persistantes. Certains analystes estiment que sa nomination à la tête de cette commission en 2020 n'était que purement symbolique.