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Le réseau Haqqani: des attentats-suicides au gouvernement afghan
L'Afghan Jalaluddin Haqqani (c), le 2 avril 1991 à Miranshah, au Pakistan
Le gouvernement intérimaire taliban intègre deux représentants du réseau Haqqani, un groupe qualifié de « terroriste » par Washington, accusé d'être derrière les attaques les plus meurtrières en Afghanistan ces dernières années.
Comme pressenti, le réseau Haqqani s'est imposé comme un acteur majeur dans le nouvel Etat afghan, après l’effondrement de l'ancien régime et la chute de Kaboul le 15 août dernier.
Qui sont les Haqqani ?
Ce groupe armé a été formé par Jalaluddin Haqqani, qui s'est fait connaître dans les années 1980 comme un héros du jihad antisoviétique. En pleine guerre froide, le patriarche est un atout précieux de la CIA contre l'URSS. Les Etats-Unis et leurs alliés, comme le Pakistan, financent et arment directement les moudjahidine.
Pendant ce conflit long dix ans, dont le coût sera déterminant dans l'implosion de l'Union soviétique, puis après le retrait russe, Jalaluddin Haqqani entretient des liens étroits avec des jihadistes étrangers, dont Oussama ben Laden.
Il s'allie ensuite aux talibans, qui prennent le contrôle de l'Afghanistan en 1996, après une guerre civile farouche entre seigneurs de guerre qui fait des dizaines de milliers de victimes et détruit Kaboul. Il devient ministre du régime islamiste jusqu'à ce que celui-ci soit renversé en 2001 par une coalition internationale menée par les Etats-Unis, suite aux attentats du 11 septembre.
Jalaluddin Haqqani meurt en 2018 après une longue maladie. Son fils Sirajuddin le remplace à la tête du réseau.
Grâce à sa puissance financière et militaire et sa réputation sanglante, le réseau Haqqani est considéré comme semi-autonome tout en restant dans le giron des talibans.
Principalement basé dans l'est de l'Afghanistan - il disposerait de bases de l'autre côté de la frontière, dans le nord-ouest du Pakistan -, le groupe armé prend du galon au sein des talibans. Sirajuddin Haqqani est nommé chef adjoint en 2015.
Pourquoi sont-ils si craints ?
Le réseau Haqqani est accusé d'être derrière certaines des attaques les plus meurtrières des dernières années contre les forces de sécurité afghanes et de la coalition.
Il est désigné comme groupe « terroriste » par les Etats-Unis et est également soumis à des sanctions des Nations unies.
Les Haqqani ont la réputation d'utiliser fréquemment des kamikazes, souvent les conducteurs de voitures ou de camions bourrés d'explosifs ou les assaillants d'un lieu symbolique dont ils savent qu'ils ne pourront ressortir vivants. Ils savent mener des attaques complexes, faisant de nombreuses victimes, contre des cibles importantes, notamment des installations militaires.
Les Haqqani sont accusés de multiples assassinats - dont une tentative contre l'ancien président Hamid Karzaï en 2008 -, d'enlèvements de fonctionnaires et de citoyens occidentaux, pour obtenir des rançons et forcer des échanges de prisonniers.
Ils sont également soupçonnés depuis longtemps d'entretenir des liens avec l'armée pakistanaise, que l'ancien régime afghan a toujours accusé d'œuvrer à la déstabilisation de l'Afghanistan. L'amiral américain Mike Mullen les a décrits comme un "véritable bras" des services de renseignement d'Islamabad en 2011. Une allégation que nie le Pakistan.
Le réseau Haqqani a énormément contribué aux avancées des talibans, dont ils représentent les "forces les plus prêtes au combat", selon un rapport de l'ONU publié en juin. Dans ce même rapport, le groupe armé est qualifié de "principal lien" entre les talibans et Al-Qaïda.
Quel est leur rôle au sein du nouveau gouvernement ?
Sirajuddin Haqqani s'est vu confier le ministère de l'Intérieur, l'un des plus importants. Il sera en charge de maintenir la sécurité en Afghanistan.
Le nouveau ministre de l'Intérieur devra composer avec la menace de la branche régionale du groupe Etat islamique. Si talibans et EI se sont combattus férocement dans l'est afghan, l'ancien régime afghan accusait le réseau Haqqani d'avoir mené des attentats pour le compte de l'EI, souvent les plus sophistiqués revendiqués par ce groupe.
Sirajuddin Haqqani devra également s'atteler aux innombrables défis posés par les profondes divisions ethniques de l'Afghanistan, ainsi qu'à la criminalité.
Son oncle Khalil Haqqani s'est vu confier le ministère des Réfugiés.
Sirajuddin et Khalil Haqqani figurent toujours sur la liste des personnes recherchées par les Etats-Unis, avec des millions de dollars de récompense à la clé.