Macron : ''demande de pardon'' aux harkis, silence inhabituel à Alger

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Le président Emmanuel Macron lors d'une cérémonie d'hommage aux Harkis, le 20 septembre 2021 à l'Elysée, à Paris

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Emmanuel Macron a "demandé pardon" lundi au nom de la France aux harkis, auxiliaires musulmans ayant combattu aux côtés de l'armée française durant la Guerre d'Algérie, et promis une loi "de réparation". 

Cette reconnaissance, à moins qu’elle ne soit le prélude à une autre reconnaissance réclamée par le pouvoir algérien, n’est pas de nature à plaire à Alger qui a en vain jusque-là exigé une demande de pardon pour la colonisation et la guerre d’Algérie. L’ancien président qui vient de décéder, Abdelaziz Bouteflika, avait déclaré en 2000 que les harkis étaient indésirables en Algérie. Dans ses pas, son successeur, Abdelmadjid Tebboune avait affirmé sur la chaine Al Jazeera qu’il y avait en France trois lobbys qui s’activaient contre son pays. Parmi eux il avait placé en tête les harkis dont « les descendants entretiennent l’esprit de la haine des Algériens ». 

Alger n’a pas encore réagi à cet acte. La première réaction est venue de Marine Le Pen, qui a tweeté que « la générosité électorale d’Emmanuel Macron ne réparera pas des décennies de mépris ainsi que l’outrage commis par le président à la mémoire de ces combattants de la France accusés, en 2017, avec d’autres, de “crime contre l’humanité” ». C’était lors d’un voyage en Algérie en février 2017, Emmanuel Macron avait qualifié la colonisation de de « crime contre l’humanité » et de « vraie barbarie ». Il était alors simple candidat à l’Elysée et son propos avait outré plusieurs personnalités françaises dont François Fillon qui avait qualifié cette déclaration « d’indigne d’un candidat à la présidence de la république ».

La réaction notable venue d’Algérie du fait d’Algérie patriotique, site du général à la « retraite » Khaled Nezzar, qui écrit : « Emmanuel Macron, qui a reconnu timidement quelques-uns des nombreux crimes commis par la France en Algérie, depuis son occupation en 1830 jusqu’à l’indépendance, 132 ans plus tard, semble avoir rétropédalé en raison des fortes pressions qu’il subit chez lui, mais aussi à cause des positions fermes de l’Algérie sur les dossiers internationaux sensibles dans lesquels Alger et Paris sont aux antipodes. » 

Algérie patriotique publie aussi une contribution de Mesloub Khider où l’auteur écrit qu’Il « est communément admis que les ressentiments nourris par les Algériens à l’encontre des harkis sont inversement proportionnels à ceux qu’ils réservent à l’ancienne puissance colonialiste. Comme si la main qui a trahi est plus condamnable que le corps armé qui l’a mobilisée, que le cerveau gouvernemental colonial qui l’a dirigée. Paradoxalement, le génocidaire français bénéficie, depuis l’indépendance, de la clémence, de la bienveillance, de l’indulgence, tandis qu’on réserve aux harkis une démentielle haine inexpiable, inextinguible, intarissable. » Plus loin, il ajoute ce qui sera la tonalité globale de sa contribution : « Comment pourrait-on analyser cette complaisante commisération accordée à la France, sinon par ce complexe d’infériorité toujours vivace parmi les Algériens ? Comment expliquer cette exécration vouée aux harkis, sinon par un transfert de haine longtemps nourrie à l’encontre du colon, aujourd’hui concentrée sur les harkis, victimes expiatoires du traumatisme post-guerre anticoloniale ? […] comme dans une relation filiale, on n’exècre pas son père (la France). On le critique, on le blâme, mais on n’ose pas le haïr. On se rebelle contre lui pour arracher son indépendance, gagner son autonomie, mais on lui demeure toujours attaché, fidèle, dévoué. On se rebiffe contre lui, mais on n’ose pas s’en désenchaîner. Tel un enfant victime de maltraitances de la part de son père, l’Algérien demeure tiraillé entre amour et haine envers son ancien bourreau – souvent inconsciemment idéalisé, magnifié […] Après la protestation, retour à la prosternation. Après les rodomontades, vient l’heure des reculades. Après la courte période de dissidence, renouement avec le tempérament d’allégeance [...] »

« Il n’est jamais trop tard… »

Le gouvernement, a indiqué Macron, "portera avant la fin de l'année un projet visant à inscrire dans le marbre de nos lois la reconnaissance et la réparation à l'égard des harkis", a annoncé le président lors d'une cérémonie d'hommage à l'Elysée.

"Vous portez dans votre chair le souvenir des harkis. L'honneur des harkis doit être gravé dans la mémoire nationale", a expliqué le chef de l'Etat en appelant à "panser les plaies" qui doivent être "fermées par des paroles de vérité, gestes de mémoire et actes de justice".

Le président de la République a "demandé pardon" au nom de la France aux harkis, estimant que le pays avait "manqué à ses devoirs" à leur égard.

"Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance ; nous n'oublierons pas. Je demande pardon, nous n'oublierons pas", a-t-il déclaré. La France "a manqué à ses devoirs envers les harkis, leurs femmes, leurs enfants", a jugé le chef de l'Etat. 

Les harkis sont ces anciens combattants - jusqu'à 200.000 hommes - recrutés comme auxiliaires de l'armée française pendant le conflit qui opposa de 1954 à 1962 des nationalistes algériens à la France.

A l'issue de cette guerre, une partie d'entre eux, abandonnés par Paris, ont été victimes de massacres en Algérie.

Plusieurs dizaines de milliers d'autres, souvent accompagnés de femmes et d'enfants, ont été transférés en France, où ils ont été placés dans des "camps de transit et de reclassement" aux conditions de vie indignes et durablement traumatisantes.

Les harkis et leurs descendants formeraient aujourd'hui une communauté de plusieurs centaines de milliers de personnes en France.

Ils ont connu une intégration difficile en France, à la fois assimilés à des immigrés et rejetés par les immigrés. 

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