A fleur de peau, une partie de la France envahie par l’urticaire - Par Bilal TALIDI

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Un membre des Forces auxiliaires du Maroc embrasse une femme âgée qui arrive pour recevoir une aide d'urgence d'un centre de distribution dans la ville d'Amizmiz dans la province d'al-Haouz dans les montagnes du Haut Atlas du Maroc central, le 12 septembre 2023. (Photo par FETHI BELAID / AFP)

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Nul ne s’attendait à ce que la presse et les chaines TV françaises mènent une cabale médiatique aussi pernicieuse et haineuse contre le Maroc au lendemain du séisme d’Al Haouz. Au motif d’avoir accepté les propositions d’assistance technique de l’Espagne, de la Grande-Bretagne, du Qatar et des Emirats arabes unis, et fait attendre celle de la France.

Paris, à l’instar d’autres capitales, a présenté ses condoléances et proposé son soutien. Mais de tous, elle est la seule à se comporter avec autant d’indécence, d’immaturité et de manque de discernement, lorsque le Maroc a pris la décision fondée de coordonner l’action des aides en amont pour éviter toute confusion et désordre dans les interventions sur le terrain.

Des pays comme les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Inde et d’autres puissances mondiales se sont comportés avec sagesse et réagi positivement au communiqué du ministère marocain de l’Intérieur. Ils n’ont vu dans la décision marocaine aucun traitement préférentiel qui serait dicté par des considérations politiques ou géopolitiques. Partant de son expérience en matière de gestion des catastrophes et des risques liés à l’absence de coordination entre les équipes d’intervention, l’Allemagne a loué la décision de la partie marocaine, considérant que la justification du ministère de l’Intérieur était non seulement recevable, mais logique et cohérente.

Seule la France a interprété le communiqué du ministère de l’Intérieur comme un rejet cinglant de son offre d’assistance humanitaire et technique. Ne voulant y voir qu’une décision dictée par des considérations politiques, elle a donné libre cours à ses démangeaisons sur les raisons ayant amené Rabat à prioriser l’offre de Madrid et de Londres sur celle de Paris.

L’urticaire qui s’est déclaré en France s’est manifesté outrageusement dans les médias qui, s’appuyant sur ‘’leurs sources indéfinies’’, ont tenté d’étoffer leur version en prétendant que le Roi Mohammed VI aurait refusé de répondre à un appel du président Emmanuel Macron qui cherchait à lui présenter ses condoléances. Faute de quoi, assure-t-on, Macron était obligé de partager ses condoléances et sa compassion sur la plateforme X.

Il ne s’agit pas, ici, de répondre aux allégations de la France et encore moins de démentir la version du refus supposé des aides françaises, le communiqué du ministère de l’Intérieur étant tissé avec un professionnalisme tel que le ministère allemand des AE en a loué la teneur. A l’inverse de Paris, Berlin, qui entretient pourtant des relations très distinguées avec le Royaume, n’a ressenti aucune mise à l’écart incompréhensible au bénéfice de l’Espagne ou de la Grande-Bretagne. 

Le plus important est d’analyser en France les ressorts des impertinences françaises que se soucient peu des décisions souveraines que les experts savent basées sur des raisons solides, une appréciation minutieuse de la situation et une évaluation profonde des besoins.

On pourrait comprendre que la France, parce que malmenée un peu partout dans la région, a les nerfs à fleur de peau et qu’elle cherche des prétextes pour faire sortir les relations franco-marocaines de la zone de tensions à moindre coût. Sait-elle au moins que la relation Maroc-France n’est pas celle d’un couple qu’un drame familial viendrait réconcilier, faisant oublier les raisons de la brouille.

La France observe impuissante comment son influence s’étiole à vue d’œil dans la zone sahélo-saharienne et en Afrique de l’Ouest, au moment où le Maroc gère la situation avec tact, s’adapte aux mutations en cours et parvient à immuniser ses relations et ses intérêts dans la région. Mais peut-être que Paris espérait sournoisement que le malheur qui s’est abattu sur le Maroc allait brouiller les décisions de Rabat et lui faire perdre à la fois ses équilibres et le contrôle de la situation, pour ouvrir grand les portes aux étrangers pour l’aider à gérer son drame. Espoir perdu.

Des motivations bien plus pernicieuses expliquent l’incapacité de Paris à digérer la teneur du communiqué du ministère de l’Intérieur et de chercher obstinément à débusquer des considérations politiques derrière. La France, incurablement habituée à regarder ses anciennes colonies du haut de la tour Eiffel, croit que le Maroc ne dispose pas d’un leadership politique en mesure de gérer pareille catastrophe et que les élites militaires et sécuritaires du Royaume, tout comme sa Protection civile, ses experts, ses spécialistes et ses techniciens sont incapables de prendre le contrôle de la situation. 

Probablement aussi qu’elle a considéré que la pauvreté de larges franges de la société marocaine allait anéantir la capacité du pays à secourir les sinistrés et à enclencher la formidable action solidaire et citoyenne à laquelle on assiste. Il a certainement ainsi cru que l’affirmation du ministère de l’Intérieur assurant qu’avec «l’avancement des opérations d’intervention, l’évaluation des besoins éventuels pourrait évoluer», n’était au mieux que du baume, au pire une bravade pour montrer la maitrise de la situation.

La France a apparemment mal pris une autre affirmation, celle qui stipule que le plan d’intervention marocain ne tient pas compte de la quantité des intervenants, mais plutôt de l’efficacité et de la coordination des équipes. C’est ce qui explique pourquoi elle ergote sur l’envoi d’aides humanitaires à des associations civiles au lieu des organisations gouvernementales, dans l’objectif de créer une tension entre l’Autorité et la société, un vil stratagème que l’ancienne directrice des Rédactions de 2M, Samira Sitaïl, a qualifié, sur le plateau de la chaîne française BFMTV, de «très grave».

A coups d’assertions infondées, la France cherche à ancrer l’idée que les autorités marocaines laissent les victimes sans secours, affirmant que si les aides tardent à parvenir aux sinistrés pour des raisons logistiques liées au séisme ayant frappé des zones montagneuses accidentées, c’est à cause des autorités marocaines ! Peine perdu. 

Le paradoxe que Paris peine à comprendre tient au fait qu’il ne réalise toujours pas l’étendue des sables mouvants dans lesquels il s’est engagé ne se rendant pas compte que plus il s’agite plus il s’enfonce. L’attitude française suscite l’incompréhension des pays auxquels le Maroc n’a pas répondu jusqu’ici favorablement, mais qui ont fait preuve de sagesse, de pondération et de compréhension. Il braque aussi l’Etat marocain qui a fait montre d’une expertise et d’une compétence avérée dans la gestion et le contrôle des crises, en faisant intervenir l’action sociale comme levier efficace pour atténuer la crise au lieu d’en provoquer. Enfin, il se met à dos la société marocaine exaspérée et indignée par le verbiage très hexagonal, alors qu’elle-même s’est investie spontanément dans un admirable élan de solidarité, de soutien et d’appui, administrant des leçons impressionnantes et livrant des images éloquentes, dont les chaînes étrangères ne cessent d’analyser les significations et l’ampleur, tandis que les médias français regardent ailleurs.

Au lieu de s’efforcer vainement de persuader le Maroc à mettre de côté le prisme à travers lequel il regarde ses intérêts vitaux, Paris gagnerait à porter de nouvelles lunettes pour mieux percevoir l’Autre, apprécier autrement ses capacités et ses compétences et respecter ses décisions souveraines et indépendantes. La France a, par-dessus tout, besoin de ne pas faire d’amalgame entre souffrance humaine et politique et de présenter, si elle tient sincèrement à fournir son aide, sa demande et d’attendre, comme tout autre pays, la réponse souveraine du Maroc. Et au lieu de tenter l’effraction, qu’elle frappe à la porte et attende qu’on lui ouvre. 

 

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