chroniques
Alep : Les larmes de crocodiles
Je m’inscris au club des « conspirationnistes », amateurs dans tous les sens du terme, de la théorie du complot, qui voient des mains occultes et des machinations partout. « Conspirationnistes » est censé résonner comme autrefois « anticommunistes primaires » était présumé sonner les adversaires de l’Union Soviétique
On pleure Alep qui agonise, nous dit-on, alors que je croyais qu’il n’en restait que ruines et décombres. Après l’Irak, en même temps que la Libye, toute la Syrie a été mise à genou. On en a détruit les monuments, on en a effacé les vestiges de l’histoire pour qu’il ne reste plus rien de la mémoire arabo-musulmane. Tous les crimes sont mis au passif de Bachar Al-Assad tandis que par un tour de prestidigitation ses opposants, Nosrate Allah et les salifistes pour l’essentiel ont muté dans le discours politique et médiatique de l’Occident en « rebelles », histoire de les dédiaboliser un peu aux yeux de l’opinion publique occidentale. Au cas où, par inadvertance, celle-ci se souviendrait que Nosrate Allah est l’autre nom d’Al-Qaïda, la même Qaïda dont la prétendue alliance avec Saddam Hussein avait servi de justification, entre autres énormes mensonges, à Georges Bush fils pour envahir et détruire l’Irak. Je sais qu’en écrivant ces mots, je m’inscris au club des « conspirationnistes », amateurs dans tous les sens du terme, de la théorie du complot, qui voient des mains occultes et des machinations partout. « Conspirationnistes » est censé résonner comme autrefois « anticommunistes primaires » était présumé sonner les adversaires de l’Union Soviétique. Une technique d’un simplisme effarant, mais d’une efficacité terrible, ostracisante, dont on ne se relève pas.
Des exemples. Michel Onfray, icône en France de la philosophie populaire, est de plus en plus marginalisé pour le punir de l’appréhension qu’il a du terrorisme et de moins en moins audible depuis qu’il a publié Penser l’Islam où il pointe la responsabilité de Washington et de Paris dans le désordre qui a envahi le Moyen Orient et maintenant une partie du Maghreb. L’américain Michael Moor a été voué aux gémonies pour avoir réalisé un documentaire sur le 11 septembre 2001, Fahrenheit 9/11, où il met en cause les liens de la dynastie Bush avec la famille Ben Laden et met à l’index l’invasion de l’Irak. Tous ceux, ou presque, qui ont emprunté cette voie, quelle que soit leur nationalité, sont passés à la trappe. J’en viens ainsi à ce qui m’a poussé à écrire cette chronique : D’abord Alep et les larmes de crocodiles que versent les médias occidentaux sur la cité et la Syrie. Ensuite un ouvrage dont je n’ai eu aucun écho médiatique et je l’aurais manqué si je ne l’avais remarqué par hasard dans une librairie de Rabat. C’est un Mémoire de paix pour temps de guerre, un essai publié chez Grasset. Son auteur est un illustre connu, Dominique de Villepin, ancien premier ministre de la France sous Jacques Chirac, dont on se souvient surtout comme le flamboyant ministre des Affaires étrangères qui ne s’est pas laissé duper par « les photos satellites des armes irakiennes de destruction massive» effrontément présentées par Colin Powell au Conseil de sécurité de l’ONU. 665 pages de réflexion, de constats, d’analyses et de commentaires muris et tempérés, qui vont, en pointant les responsabilités de chacun, à l’encontre de ce monde de va-t-en guerre. Malheureusement ils ont les plus nombreux, ils sont les plus forts, ils ont donc raison. Jusqu’à ce que l’apocalypse survienne.