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Algérie - Mauritanie : lTindouf-Zouérate, une route pavée de mauvaises intentions – Par Hassan Abdelkhalek
Le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani salué par le général Said Chengriha, à droite de la photo le président Abdelmadjid Tebboune
Le lancement par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, et son homologue mauritanien Mohamed Ould Ghazouani, d'un projet de construction de la route Tindouf (Algérie) - Zouérat (Mauritanie) à Tindouf le 22 février, reconfirme le désir du régime algérien de transformer sa guerre contre les intérêts du Maroc et son intégrité territoriale, qui a une dimension bilatérale, en un conflit maghrébin.
Il persiste ainsi à essayer d'entrainer les autres pays de la région dans sa guerre latente contre Maroc, à adopter sa position et à se soumettre ses désidératas, sous le prétexte infondé que l'Algérie est l’Etat pivot de la région.
Un accord nuisible aux intérêts de la Mauritanie
L’accord conclu pour la réalisation de ce projet frontalier, qui s'étend sur une distance de 840 kilomètres, en marge de la visite d'État que le président mauritanien Ould Ghazouani avait effectuée en Algérie en décembre 2021, stipule que l'Algérie prendra en charge la construction de la route avec l'exploitation sous forme de concession pour une période de 10 ans tacitement renouvelable. Il appartient aussi à la société algérienne Naftal d’exploiter les stations-service situées le long du parcours de la route, aussi bien dans son versant algérien que sur le territoire mauritanien jusqu'à Zouerate.
La partie algérienne promeut ce projet, s'imaginant qu'il pourrait, à travers lui, utiliser le passage par la Mauritanie pour concurrencer la présence du Maroc dans les marchés de l'ouest du continent africain. Ainsi conçu, l'accord pour la réalisation de la route apparait déséquilibré et préjudiciable à la Mauritanie. N’aurait-il pas été plus approprié, en effet, qu’Alger s'inspire des règles internationalement reconnues concernant les accords de type construction-exploitation-transfert (Build-operate-transfer ou BOT), où l'on construit la route et l'exploite pour un nombre d'années défini non-renouvelable, après quoi la partie mauritanienne deviendrait propriétaire de l’axe de la route située sur son territoire et reprendre la souveraineté sur son exploitation.
De plus, permettre à la société algérienne Naftal d'exploiter seule les stations-service des deux côtés, algérien et mauritanien, est nuisible aux intérêts de la Mauritanie et à son droit légitime de construire des stations-service sur la partie situé sur son territoire, surtout qu’elle se prépare à l'exportation de ses ressources pétrolières en juin prochain, sachant qu'elle dispose d'importantes réserves de gaz.
Une route terrestre à usage militaire
Indépendamment du contenu de l'accord, les médias officiels algériens ont répété que « le début de la réalisation de ce projet stratégique reflète une nouvelle étape dans les relations historiques entre l'Algérie et la Mauritanie, et permettra d'ouvrir des axes routiers internationaux importants et d'accorder aux opérateurs algériens l'accès aux marchés africains via la Mauritanie. Cela permettra également de renforcer la coopération économique entre les opérateurs économiques des deux pays et de dynamiser la mobilité économique et la fluidité des échanges commerciaux. »
Toutefois, s’il est vrai que la route Tindouf-Zouérate est présentée comme limitée au déplacement des personnes et des biens, mais tout laisse croire que dans les calculs du régime algérien et les antécédents de son comportement dans la région, cette route, pavée aussi de mauvaises intentions, revêt un caractère militaire, avec la possibilité de son utilisation par ses forces armées et les milices du Polisario qu'elle contrôle, pour continuer à s'opposer au droit du Maroc à son intégrité territoriale et à nuire à l'unité de la Mauritanie, dans le but de priver le Maroc de son prolongement africain et de trouver dans le même temps un accès pour l'Algérie sur l'Atlantique.
Bien avant, des Mauritaniens avaient alerté contre les arrière-pensées du régime algérien. Parmi eux, Messaoud Ould Boulkheir, président du parti de l'Alliance Populaire Progressiste mauritanien et ancien président du parlement, en août 2021, qui a mis en garde contre l'exploitation de la situation par le Polisario avec le soutien de l'Algérie pour déclarer l'indépendance du nord de la Mauritanie.
Ould Boulkheir a assuré dans une interview accordée à l'agence de presse mauritanienne indépendante "Al-Akhbar" qu'il « avait exprimé au président Ghazouani ses craintes que la dernière démonstration de force de l'Algérie, ainsi que les événements survenus à Guerguerat quelques mois auparavant, puissent inciter certains à saisir cette opportunité, à collaborer avec les Algériens et les Sahraouis pour proclamer la scission du nord de la Mauritanie, car les habitants du nord parlent depuis un certain temps de leur fatigue de porter la Mauritanie sur leurs épaules et leur désir d'être une nation à part entière, et j'ai signalé avec insistance que beaucoup a été dit à ce sujet. »
La déclaration de Ould Boulkheir a pris à l'époque un caractère officiel, car en plus de son statut partisan, il était président du Conseil économique, social et environnemental de Mauritanie. Alger n'avait pas rejeté les accusations portées contre elle par le responsable mauritanien, préférant le silence sur une question sensible concernant ses intentions envers la Mauritanie et la possibilité de soutenir toute tendance séparatiste dans le nord de la Mauritanie, sachant qu'il a des antécédents d'utilisation de la force militaire contre la Mauritanie, comme lorsque l’ex-président algérien Houari Boumédiène a menacé en 1974 son hôte, le défunt président mauritanien Moktar Ould Daddah à Béchar, d'une agression militaire contre son pays s'il continuait de coopérer avec le Maroc sur la question du Sahara. On a vu par la suite comment il a mis en œuvre cette menace en juin 1976 en envoyant des milliers de ses soldats et combattants du Polisario pour des attaques terrestres contre la Mauritanie jusqu’à l’intérieur même de la capitale Nouakchott. Les agressions militaires contre la Mauritanie se sont poursuivies jusqu'à la chute du régime d'Ould Daddah par un coup d'État militaire en 1978, poussant les putschistes à reconnaître la "république fantôme" le 5 août 1979.
Dérisoire tentative de soudoiement des journalistes mauritaniens
Le président Tebboune a profité de l'occasion de lancement du projet de route terrestre entre les deux pays pour tenter de gagner les faveurs de la presse mauritanienne afin de servir l'agenda algérien dans la région, annonçant ostentatoirement au président Ould Ghazouani qu'il a ordonné au directeur général de l'Agence algérienne de coopération internationale de construire dans les plus brefs délais une maison de la presse qui servira de grand club social avec plusieurs installations pour les journalistes mauritaniens.
Lorsque l’on sait que les journalistes algériens ne disposent pas d'une telle maison dans leur pays, il est clair que l'annonce de ce cadeau suspect est pour soudoyer des journalistes mauritaniens « indociles » et prompts à dénoncer l'ingérence de l'ambassade algérienne à Nouakchott dans les affaires intérieures mauritaniennes. Particulièrement l'année dernière, quand l’ambassade algérienne a accusé dans un communiqué des médias mauritaniens de mercenariat et de travailler pour un pays "ennemi" (e Maroc) dans le traitement de la question du Sahara, au détriment de la coopération stratégique entre Nouakchott et Alger.
Les journalistes mauritaniens se sont élevés pour leur dignité, considérant dans une déclaration de leur association que "la tentative de l'ambassade algérienne de contrôler la presse mauritanienne et de la mépriser et de l'asservir pour servir son agenda politique est certes une tentative ridicule et risible, mais elle révèle un autre aspect du travail de cette ambassade, qui suscite la peur et l'inquiétude, et exige de nous la plus grande prudence et vigilance."
L'association des journalistes s'est trouvée face à la réalité que c'est l'institution militaire algérienne qui détient le vrai pouvoir et lutte contre la liberté de la presse, en affirmant que « l'Algérie, qui a été sous le contrôle des généraux de l'armée pendant des décennies, ne comprend pas que la Mauritanie lui est supérieure en matière de liberté de presse, des médias et d'expression et du respect des opinions diverses, choses qui ne s'achètent pas mais se gagnent, et les Mauritaniens les ont acquises grâce à la longue lutte de leur presse contre l'oppression, la tyrannie et la dictature, et l'emprisonnement. »
Les journalistes mauritaniens ont rappelé dans leur déclaration les torts subis par leur pays dans le passé de la part du régime algérien, affirmant : "Nous, en tant que Mauritaniens, respectons l'Algérie et aimons son peuple noble et fier, pour les liens de sang, de parenté, d'histoire et de destin commun que nous partageons, mais l'histoire est pleine des coups de poignard que nous avons reçus de la part de ses dirigeants et de son armée, et de ses organisations transsahariennes."
Une doctrine fondée sur le mépris des voisins
Dans le domaine des médias, le régime algérien, qui mène une guerre contre le Maroc à travers ses appendices médiatiques, publics et priv,s a toujours cherché à utiliser la presse mauritanienne dans cette guerre. L'incident de l'expulsion du premier conseiller de l'ambassade d'Algérie à Nouakchott, Belkacem Cherouati, par la Mauritanie en avril 2015 en est la preuve la plus évidente, après qu'il ait détourné sa mission diplomatique en poussant le site "Al Bayane" mauritanien à publier une fausse information sur une plainte prétendument déposée par la Mauritanie auprès des Nations Unies, accusant le Maroc de l'inonder de cannabis, ce que les autorités mauritaniennes ont nié et considéré comme une tentative de déstabilisation de leurs relations avec Rabat.
Ainsi, la maison de la presse promise par le président Tebboune aux journalistes mauritaniens ne sera pas un cadeau désintéressé pour les beaux yeux des journalistes, mais une maladroite et certainement vaine tentative de domestication des médias mauritaniens pour attaquer le Maroc et le diffamer, les poussant à mener une guerre par procuration au profit du régime algérien contre le Maroc, ce que les plumes libres de Mauritanie ont refusé et refusent.
La doctrine du régime algérien est fondée sur un complexe supériorité infondée. Elle se décline par le mépris des voisins de l'Algérie, la sous-estimation de leur statut et le refus d'établir avec eux des relations d’égalité et de la mutualité des intérêts. Sa politique reste obsédée par l'échec de l’incitation des pays de la région contre le Maroc et son intégrité territoriale. Ce mépris s’est manifesté récemment contre la Mauritanie, en lâchant à travers ses bras médiatiques privés une campagne contre celle-ci, en perspective de la victoire de son équipe nationale de football sur son homologue algérienne lors de la compétition de la CAN en Côte d'Ivoire en janvier dernier, en prétendant que les Mauritaniens étaient incapables de subvenir aux besoins de leur équipe et que c'était le Maroc qui avait payé les frais du camp d'entraînement de l'équipe mauritanienne en Tunisie avant la Coupe d'Afrique, ainsi que les frais d'hébergement à la CAN, le transport aérien et les fournitures logistiques de vêtements et d'équipements divers.
Face à cette campagne, la Fédération mauritanienne de football a publié un communiqué dans lequel elle a nié les allégations des médias algériens, affirmant que « le gouvernement mauritanien et la fédération nationale considèrent le financement de l'équipe nationale comme une question de souveraineté non sujette à discussion ou à négociation... et refuse l'intervention de toute partie, quelle qu'elle soit, dans la prise en charge de ses dépenses, que ce soit au niveau des camps d'entraînement intérieurs ou extérieurs, ou au niveau de l'achat d'équipements et de fournitures techniques diverses ».
Qu’en déduire sinon qu’à la lumière des comportements passés du régime algérien envers la Mauritanie, et de sa politique constante d'intervention dans ses affaires internes et de tentative de nuire à ses relations avec le Maroc, plus personne n’oserait dire que la route Tindouf-Zouérate est pavée de bonnes intentions ?