chroniques
Ce que le jour doit à la nuit
La gauche est en miette, mais elle n’a pas été inutile à ce pays. Elle reviendra parce qu'elle porte les aspirations égalitaires et libertaires. Tout ce que le Maroc enregistre comme avancée sur la question de la femme, il le doit aux résistantes, aux ouvrières syndiquées, aux premières militantes, à celles qui ont subi la répression la plus sauvage, jusqu’au sacrifice suprême
La réécriture de l'histoire au Maroc est un sport national qui menace d'éclatement notre identité plurielle, fausse notre rapport à notre avenir commun désirable. Cela concerne l'ensemble des domaines, des villes qu'on ignore, des antériorités qu'on zappe, des fragments d'histoire qu'on feint d'ignorer, jusqu'à l'amazighité de la terre, que malgré la constitution nous n'arrivons pas à rétablir dans ses droits, les écoliers marocains croient toujours que l'histoire de ce territoire a commencé avec un cavalier nommé Idriss 1er. Ni Juba, ni Jugurtha, encore moins la Kahina, ne sont enseignés à nos enfants. Pourtant c'est la un contenu historique qui ne peut que renforcer la cohésion nationale, parce qu'il renforce la fierté de l'appartenance à une nation multiséculaire.
Mais cette réécriture de l'histoire, réductrice, mensongère, idiote, et profondément dangereuse, concerne des aspects plus contemporains. Ainsi parce que le PAM et le PJD ont présenté et fait élire un nombre plus importants de femmes, ce qui est largement un honneur, la gauche serait conservatrice, patriarcale. Je ne veux pas rentrer dans des débats idéologiques, parce que l'éducation nationale a réussi à les rendre inaudibles pour la majorité de ses lauréats. Je veux juste rappeler les faits historiques.
La gauche marocaine n’a pas été importée de Suède, c'est une gauche issue d’une société aux structures invertébrée ou le féodalisme était sous l'assaut d'un capitalisme, qui n'assumait aucun libéralisme social ou sociétal. Oui, la machine impactait cette gauche. Mais ses références universelles étaient aussi présentes. Et dans ce contexte, par esprit de justice, je veux rappeler qu'il y a une femme signataire de l'appel du 11 Janvier 1944, même si le parti de l'Istiqlal post indépendance, ne fait assurément pas partie de la gauche.
La gauche marocaine c'est l’UNFP et le parti communiste, le reste ce sont des scissions. Les deux affluents étaient le mouvement syndical l’UMT, “Nous les soldats du Tihad, force inépuisable, front invulnérable” et la résistance. Or la femme était présente dans ces deux affluents et en force. Si Moukharik veut bien me fournir les documentations, je m'engage à écrire un livre sur la femme ouvrière en particulier à Safi.
Cela a impacté la gauche. Il y a eu des femmes à la direction de l'UNEM, de l’USFP et du PPS qui ont présenté des candidates en 1976. Mais surtout toutes les grandes associations féministes sont sorties du secteur féminin du PPS, de l’USFP et de l’OADP. La gauche est en miette, mais elle n’a pas été inutile à ce pays. Elle reviendra parce qu'elle porte les aspirations égalitaires et libertaires. Tout ce que le Maroc enregistre comme avancée sur la question de la femme, il le doit aux résistantes, aux ouvrières syndiquées, aux premières militantes, à celles qui ont subi la répression la plus sauvage, jusqu’au sacrifice suprême. Elles étaient toutes de gauche, organisée au sein des structures de la gauche existantes. Le reconnaître est un devoir, le nier est juste une imbécilité. Qu'on élèverait si on la mettait au niveau d'une injustice épistémologique.