Chez Macky Sall, le sens de l’Etat a prévalu – Par Naïm Kamal

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La majorité présidentielle a moins de sept mois pour transformer le renoncement de M Sall, qui a ainsi su préserver l’exception sénégalaise en Afrique, en bulletins de vote dans les urnes.

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Par Naïm Kamal

Lundi à 20 heures GMT, le Sénégal, appréhendant le pire, a retenu son souffle. Le moment était d'autant plus grave que tous étaient convaincus que le président Macky Sall allait annoncer sa candidature plutôt que son renoncement. Chacun savait que le lendemain de l’expression d’une volonté de rester à la tête de l’État sénégalais, serait forcément tumultueux. Les affrontements récents autour de cette question avec l’opposition, ayant fait officiellement seize morts, étaient assez nombreux pour que l’on craigne une descente du Sénégal aux enfers qui empêchent tant d’Etats du continent à trouver le chemin de la paix. 

Aujourd’hui c’est un ouf de soulagement.

La perspective d’un troisième mandat a été alimentée d’abord par le silence du président en exercice sur ses intentions. Il a lui-même crédité l’idée en faisant dire au Conseil constitutionnel que la Loi fondamentale du pays, telle que modifiée en 2016 pour ramener le mandat présidentiel de sept ans à cinq, effaçait son premier mandat (2012 -2019). Il n’a pas non plus hésité à déclarer à la presse que ‘’sur le plan juridique, le débat est tranché depuis longtemps’’ et qu’il lui permettait de se représenter.

Dans cette ambiance, les poursuites engagées contre son principal opposant et challenger, Ousmane Sonko, pouvaient difficilement ne pas paraître comme une tentative d’éliminer de la course un ‘’très potentiel futur président’’ par des voies non démocratiques. Une aubaine et un filon pour l’opposant et ses partisans qu’ils ont exploités sans retenue.

On ne peut donc pas douter que M. Sall n’ait été tenté de se maintenir, comme avant lui Abdoulaye Wade, et avant ce dernier Abdou Diouf. Tous ont fini par faire prévaloir le sens de l’Etat.

Il faut l’admettre, lundi soir, Macky Sall a créé la surprise et pris tout le monde à contrepied, y compris les cinq cent douze dirigeants de collectivités territoriales du Sénégal, venus samedi dernier à Dakar lui déclarer qu’ils étaient ‘’prêts à [lui] renouveler [leur] confiance pour l’intérêt, le bonheur et la gloire du Sénégal […] et [lui] demander de [se] présenter en 2024’’.

Heureusement, M. Sall en a décidé autrement : ‘’Mes chers compatriotes, a-t-il déclaré, ma décision, longuement et mûrement réfléchie, est de ne pas être candidat à la prochaine élection du 25 février 2024.’’

Que ce soit sous la pression de la rue, à l’instigation de ‘’pays amis’’, ou une décision prise en son âme et conscience – les trois n’étant pas incompatibles –, M. Sall est finalement resté cohérent avec lui-même et avec la Constitution comme lorsqu’en 2011 et 2012 il a pris la tête de l’opposition, qui comptait alors dans ses rangs un certain Ousmane Sonko, pour contrecarrer le dessein de M. Wade de se maintenir ou de mettre à sa place son fils Karim, qui pourrait cette fois-ci se présenter si toutefois le président en exercice levait son inéligibilité.

Les adversaires de M Sall, pris de court, essayeront de se rattraper et ne manqueront pas de lui reprocher d’avoir hésité pour imputer à son ‘’indécision’’ le bilan des affrontements qu’ont connu en juin Dakar et Ziguinchor. Aminata Touré, ancienne première ministre désormais dans l’opposition et candidate déclarée à la présidence, s’y emploie déjà.

Et il ne faut pas compter sur Ousmane Sonko, apparemment très populaire chez les jeunes et pour l’instant ‘’juridiquement hors-jeu’’, pour se calmer. De tempérament agité, voire sanguin, il n’aura de cesse d’agiter la rue pour arriver à son objectif. Mais même si son excitation et ses allures de Thomas Sankara en civil phagocytent ses rivaux au sein de l’opposition, il n’est pas dit qu’il ne trouvera pas sur son chemin ses propres amis. Et Macky Sall.

Libéré des soupçons qui pesaient sur ses intentions, le président sénégalais, qui a déjà d’ailleurs commencé en parlant des complots ourdis contre son pays en allusion aux affrontements, va pouvoir contrecarrer les ambitions de M. Sonko. Encore lui faudrait-il trouver au sein de son camp l’homme ou la femme capable de porter le combat. Ce sera d’autant plus difficile qu’il a aidé le vide à se créer autour de lui.

Le 25 février 2024, date de l’élection d’un nouveau chef d’État pour le Sénégal, c’est demain. La majorité présidentielle, déjà malmenée par les dernières élections locales à Dakar, a moins de sept mois pour transformer le renoncement de son chef, qui a ainsi su préserver l’exception sénégalaise en Afrique, en bulletins de vote dans les urnes.

D’ici là, ce qu’il faut retenir, c’est que le président Macky Sall, comme l’a dit l'ancien président du Niger, Mahamadou Issoufou, a su faire ‘’preuve d'une grande intelligence politique". Ce faisant, il a opté pour une sortie par le haut