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Cinéma, mon amour ! de Driss Chouika : ''FAHRENHEIT 9/11'', L’UN DES RARES PAMPHLETS CINÉMATOGRAPHIQUES RÉUSSIS
Outre le fait que Michael Moore a construit ce film comme un réquisitoire contre George W. Bush, il y dénonce également les méfaits du « Patriot Act » (loi antiterroriste américaine votée sous la présidence de Bush), les souffrances provoquées par l’invasion de l’Irak et montre explicitement les situations sociales désastreuses de la politique extérieure américaine
« Je m’excuse d’avoir parlé de George W. Bush comme d’un “déserteur“. Je voulais dire qu’il est un déserteur, un voleur d’élections, un alcoolique au volant, un menteur au sujet des armes de destruction massive et un illettré ». Michael Moore.
Son titre est inspiré de celui du roman de l’écrivain américain Ray Bradbury, “Fahrenheit 451“, adapté au cinéma par François Truffaut en 1966, “Fahrenheit 9/11“ de Michael Moore est, fait exceptionnel, le deuxième long métrage documentaire ayant obtenu la prestigieuse Palme d’Or du Festival de Cannes en 2004, après “Le monde du silence“ (1956) de Jacques-Yves Cousteau et Louis Malle. Il a également obtenu le Prix de la Critique Internationale du même festival.
Michael Moore étant bien connu par son cinéma politiquement engagé, ce film ne déroge pas à ce choix et constitue même l’un des rares pamphlets politiques dans l’histoire du cinéma documentaire, d’une critique frontale et acerbe de la politique républicaine américaine conduite par George W. Bush. Après un prégénérique de plus de 10 minutes sur la soirée de l’élection présidentielle américaine de 2000, durant laquelle on avait d’abord annoncé le démocrate Al Gore vainqueur, avant qu’une incroyable supercherie menée par le clan Bush ne renverse le résultat au profit de ce dernier. Puis, après le générique, une minute de noir accompagnée de la bande son de l’écrasement des avions contre les tours du World Trade Center mixés avec les cris ahuris des témoins des terribles-attantats suicides du 11 septembre 2001. Ensuite, le réalisateur développe son propos par une analyse méticuleuse et bien documentée des soubassements de la politique de Bush, à commencer par les rapports financiers et commerciaux de son clan avec celui de Ben Laden, l’autorisation spéciale ayant permis à tous les membres de la famille Ben Laden de quitter les Etats-Unis après les attentats, pour s’attacher enfin à révéler les raisons profondes de l’invasion américaine de 2003 en Irak qu’il attribue à la volonté de mainmise sur le pétrole irakien. C’est la raison essentielle, avance-il, si elle n’est pas l’unique motif réel de la destruction de l’Irak, les bénéfices financiers et économiques de l’opération constituant le motif complémentaire. Plusieurs documents prouvent la connivence du clan Bush avec le complexe militaro-industriel américain, les grandes compagnies américaines, pétrolières surtout, et leurs alliées européennes pour se partager le juteux gâteau de la reconstruction de l’Irak après sa destruction, justifiée par le mensonge prétexte de l’existence d’armes de destruction massive chez l’armée de Saddam. Les images et documents révélés sont accablants.
Outre le fait que Michael Moore a construit ce film comme un réquisitoire contre George W. Bush, il y dénonce également les méfaits du « Patriot Act » (loi antiterroriste américaine votée sous la présidence de Bush), les souffrances provoquées par l’invasion de l’Irak et montre explicitement les situations sociales désastreuses de la politique extérieure américaine. Il montre aussi qu’aux Etats-Unis, les médias utilisent systématiquement des moyens et effets spéciaux bien particuliers pour manipuler et effrayer l'opinion publique à des fins politiques et financiers précis.
Ainsi, ce film documentaire exceptionnel et atypique aura été l’un des rares pamphlets cinématographiques pleinement réussis dans l’histoire du cinéma, ayant séduit à la fois la critique, les cinéphiles et le grand public, au même titre que les meilleurs films de fiction. Une prouesse vraiment rare, mais qu’on apprécie à sa juste valeur quant on voit ou revoit attentivement le film. Mais malgré que le film ait été conçu pour empêcher la réélection de George W. Bush en novembre 2004, celui-ci a été finalement bien réélu.
Le film a eu un franc succès, tellement grand qu’il avait surpris son propre réalisateur. Lors de sa projection à Cannes, il a reçu l’une des plus longues “standing ovation“ dans l’histoire de ce festival, qui a duré une vingtaine de minutes. Et à sa sortie dans les salles de cinéma aux Etats-unis, il avait fait plus de 60 millions de dollars de recettes durant ses deux premières semaines, record absolu pour un documentaire.
Dans le registre le plus marrant, les intervenants dans le film ont reçu les “Pires Prix“ de la 25ème édition des Golden Raspberry Awards, décernés ironiquement et à contrepied des Oscars : Pire acteur pour George W. Bush, pire second rôle masculin pour Donald Rumsfeld, pire second rôle féminin pour Britney Spears, pire couple pour George W. Bush et sa “chèvre“ (Condoleezza Rice, Conseillère à la Sécurité Nationale de Bush) !
C’est un documentaire au ton et à la forme cinématographiques bien conduits et maîtrisés. En tout cas, c’est un film qui ne laisse pas indifférent.
FILMOGRAPHIE SÉLECTIVE DE MICHAEL MOORE
« Roger and me » (1989) ; « Canadian Bacon » (1995) ; « The Big One » (1997) ; « Bowling for Columbine » (2002) ; « Fahrenheit 9/11» (2004) ; « SiCKO (2007) ; « Slacker Uprising » (2008) ; « Capitalism : A Love Story » (2009) ; « Where to Invade Next » (2015) ; « Michael Moore in TrumpLand » (2016) ; « Fahrenheit 11/9 » (2018) ; « Planet of the Humans » (2020).
DRISS CHOUIKA