chroniques
De la question sociale
Il faut sortir des dogmes libéraux. Une augmentation généralisée des salaires va obérer la compétitivité des entreprises les moins rentables. C’est un fait. Mais au niveau macro-économique cela dopera la demande intérieure
Le discours du trône a été centré sur la question sociale. En effet, plusieurs couches de la société ont d’énormes difficultés à subvenir à leurs besoins. Les différents programmes ont leur utilité mais sont largement insuffisants. Ils sont d’ailleurs mis à mal par les contraintes budgétaires.
Dans ce débat on feint d’oublier que la première des protections sociales ce sont les services publics, en particulier l’éducation et la santé. Même avec de faibles revenus, des familles ont recours aux écoles privées et aux médecins privés. Cela se fait au détriment d’autres besoins tels que le logement, l’habillement ou encore les loisirs.
Les services publics sont un véritable complément de salaire. Encore faut il qu’ils soient de qualité et accessibles partout. Ce n’est pas du tout le cas. Les disparités régionales sont une véritable honte nationale. Le seul hôpital de Safi date de 1953 alors que la population a été multipliée par dix. Dans les régions excentrées il n’y a même pas de centres de soin. Des gamins meurent parce que mordus par une vipère. Ils n’ont pas pu joindre un hôpital à temps à cause de son éloignement et des difficultés de transport.
Quant à l’école, malgré les efforts budgétaires, c’est une calamité et au-delà du niveau des acquis. Dans nos campagnes, des parents retirent leurs filles de l’école…parce que les toilettes sont bouchées. Quant au niveau, toutes les études nous mettent à la queue des classements. Les réformes successives ont englouti des milliards de dirhams pour de faibles résultats.
Ensuite il y a un vrai problème d’adéquation entre les revenus et le niveau de vie. Nous ne parlons pas ici des huit millions de Marocains qui vivent dans la précarité, mais de ceux qui ont un emploi, un revenu et qui sont dans l’impossibilité de subvenir à leurs besoins. Comment y arriver, quand dans une grande ville, le SMIG ne couvre même pas le loyer minimum ? Il faut sortir des dogmes libéraux. Une augmentation généralisée des salaires va obérer la compétitivité des entreprises les moins rentables. C’est un fait. Mais au niveau macro-économique cela dopera la demande intérieure.
Le développement du marché intérieur est une nécessité. Les capacités exportatrices ne se décrètent pas et ce malgré toutes les incitations. La décompensation n’est pas une erreur en soi. C’est le refus de la coupler avec une aide directe aux plus précaires qui est porteur de dangers, de tension.
En résumé, il faut changer totalement de vision si on veut mettre le social au centre des politiques publiques. La théorie du ruissèlement est un leurre. Les riches s’enrichissent, les pauvres sombrent dans la précarité alors que de nouveaux besoins apparaissent.
Il faut réformer la fiscalité pour donner plus de moyen à l’Etat en élargissant l’assiette mais il faut aussi et surtout inverser les priorités de la dépense publique. Arrêter les éléphants blancs, genre TGV, pour améliorer les services publics, ce serait un bon début.