chroniques
Deux génération pour mettre fin au conflit israélo-palestinien – Par Mohamed Chraibi
Un homme attend avec un enfant au terminal des voyageurs du côté palestinien du poste frontière de Rafah avec l'Égypte, dans le sud de la bande de Gaza, le 12 novembre 2023. La "fédération israélienne de secours" a mis en place un programme de jeux pour aider les enfants israéliens à reconstruire leur résilience (Haaretz 8/11/23). Il est urgent que la communauté internationale mette en place et finance un programme analogue au profit des enfants de Gaza (Photo par Mohammed ABED / AFP)
L'objet de ce billet est à la fois modeste et ambitieux. Modeste par la banalité des arguments à l'appui de l'impossibilité (dans l'immédiat du moins) de la coexistence pacifique entre Palestiniens et Israéliens dans le cadre de la solution dite à deux états que le monde croyait avoir enterré et que l'attaque du 7 octobre a ressuscitée. Ambitieux par l'énonciation de la façon dont cette coexistence pourrait être rendue possible dans une génération.
L'impossibilité actuelle de la coexistence pacifique
Le processus de mise en place des conditions pour la coexistence pacifique entre Israéliens et Palestiniens remonte aux accords d’Oslo conclus fin septembre1993. Il convient de rappeler ici que l'établissement d'un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza avec Jérusalem Est pour capitale n’était pas l'aboutissement logique du processus mis en place par ces accords. En fait, ceux-ci se limitaient à mettre en place un système de cogestion de la Cisjordanie (Gaza et Jéricho faisant l'objet d'un accord séparé signé en 1994 qui prévoyait en plus l'évacuation des troupes israéliennes de la bande de Gaza) et un cadre de dialogue entre israéliens et Palestiniens. Depuis la signature de ces accords, les 8500 colons de Gaza ont été évacués (manu militari) en 2005 pendant que le nombre des colons en Cisjordanie passait d'une centaine de mille à près de 500 000 aujourd’hui et que la population juive de Jérusalem-est, 10 fois moins nombreuse à l'époque que la population arabe y est aujourd’hui majoritaire.
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Autant d'indications claires que, dans l'esprit des signataires des accords d'Oslo et de leurs parrains, l'établissement d'un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza avec Jérusalem-Est pour capitale n'était pas plus qu’un projet aussi vague que lointain. Et si à l'époque de la signature des accords d’Oslo, point culminant des relations israélo-palestiniennes, la création de cet Etat n'était pas envisagée, aujourd’hui, à "l'antapex" de ces relations, la chose est tout simplement inenvisageable.
Pour faire bref: les obstacles à la création d'un Etat palestinien identifiés au moment des accords d'Oslo (implantation de colonies juives sur le territoire censé́ constituer l'éventuel Etat palestinien, partage de Jérusalem entre les deux Etats, mise en place d'une force garantissant la sécurité des deux Etats....), ces obstacles ont pris 30 ans plus tard des dimensions qui les rendent insurmontables. Les colonies ont quintuplé, Jérusalem-est peuplé majoritairement de juifs et surtout jamais l'insécurité des deux côtés n'a été aussi flagrante : Depuis 2007 Gaza a subi de la part d'Israël plusieurs assauts meurtriers, les Palestiniens de Cisjordanie n'ont cessé d'être persécutés, chassés de leurs terres, emprisonnés, humiliés, tués... Et de son côté, Israël a connu, le 7 octobre dernier une attaque du Hamas et du Jihad islamique d'une ampleur inouïe, aux conséquences encore imprévisibles. Attaque à laquelle Israël répond par des bombardements de la bande de Gaza d'une barbarie sans précédent dans l'histoire de la relation israélo-palestinienne.
De fait, sous couvert d "éradiquer Hamas", Israël vise l'éradication des Palestiniens et de son côté, Hamas, appuyé par l'Iran, proclame depuis sa création sa volonté de détruire Israël. Aujourd’hui, plus que jamais, Juifs israéliens et Palestiniens vivent sous la même menace existentielle. Les événements des trente dernières années (couronnés par l'attaque de Hamas du 7 octobre et les représailles israéliennes en cours) ont enfermé la relation Israël-Palestine dans une situation paradoxale où la "solution des deux Etats" est à la fois une "nécessité et une menace existentielle", selon l'expression de l'intellectuel juif sioniste Yossi Klein-Halevi.
C'est une relation de haine paroxysmique - (haine abyssale a écrit récemment Iddo Netanyahu - frère de Benjamin - tous deux experts en la matière) - qui a largement débordé le cadre régional jusqu’à faire irruption récemment dans l'enceinte du parlement de l'Etat de la Floride où la représentante démocrate Angy Nixon, ayant déclaré́ "nous sommes à 10 000 morts à Gaza, combien en faudra t-il de plus pour que ce soit assez", fut interrompue par sa collègue républicaine Michelle Salzman qui répondit : "les tuer tous".
Que faire ?
La coexistence pacifique entre Juifs israéliens et Palestiniens reste cependant possible après la disparition (politique) des deux générations (israélienne et palestinienne) prises à la gorge l'une de l'autre dans une lutte existentielle. Le rôle de la communauté internationale est de préparer les deux générations qui prendront la relève en leur apprenant à se connaître et à se comprendre pour vivre ensemble. Yossi Klein-Halevi, dans sa "lettre à mon voisin palestinien", écrit: Je t'appelle voisin parce que je ne connais pas ton nom ni quoi que ce soit en ce qui te concerne. Nous sommes, toi et moi, deux intrus dans les rêves l'un de l'autre, voleurs du sens que nous avons du concept de chez soi. Nous sommes les deux incarnations de nos pires cauchemars historiques".
La tâche est urgente, mais comment l'accomplir ? Dans un article que j'ai publié récemment ici, j'ai tenté d'expliquer la bestialité de certains attaquants du 7 octobre par les traumatismes à répétition subis dans leur enfance et adolescence aux mains des israéliens. Les enfants israéliens, témoins des atrocités commises sous leurs yeux lors de l'attaque du 7 octobre ont également été traumatisés. Consciente de la gravité du problème, la "fédération israélienne de secours" a mis en place un programme de jeux pour aider les enfants israéliens à reconstruire leur résilience (Haaretz 8/11/23). Il est urgent que la communauté internationale mette en place et finance un programme analogue au profit des enfants de Gaza. Mais ce n'est pas suffisant. Il faudrait aller plus loin en organisant des camps de vacances au profit de tous les enfants (5 - 15 ans) palestiniens et israéliens dans tous les pays prêts à accueillir de tels camps. L’objet de ces camps serait d’apprendre aux enfants palestiniens et israéliens à se connaître et se parler.
Je n’ai aucune compétence dans le domaine, je me contente de lancer l'idée comme on jette une bouteille à la mer. A ceux qui ont les compétences nécessaires de mettre ces propos (s'ils font sens) en musique.