société
Et après on fait quoi ?
Etre patriote ce n’est pas saluer un constat courageux, éclairé du souverain, c’est réfléchir à des issues heureuse en réponse à des questions lancinantes. Tout remettre à plat, dans la sérénité et le respect, est notre devoir collectif de citoyens
Le discours du trône est un constat amer, une charge dure contre les partis, l’administration, des institutions comme le CNDH qui s’est décrédibilisé en attaquant les sécuritaires. Il est salué, y compris par ceux qu’il a mis plus bas que terre, c’est-à-dire les chefs de partis. Ce constat est unanime, tous les Marocains le partagent. Le fait que le chef de l’Etat dans un discours officiel, le dresse lui donne une grande solennité. Mais la question demeure : Que faire ?
Les problèmes sont de trois niveaux, politique et institutionnel, les outils ou les leviers et enfin les choix des politiques publiques. Les trois niveaux sont indissociables.
Une désinformation éhontée, un débat au rabais
Les 32 partis politiques ne servent à rien parce qu’il n’y a pas de compétition de projets, de choix sociétaux. Si tel était le cas ils ne seraient pas 32. En même temps il faut arrêter de croire que les structures partisanes vont changer à coup d’admonestation, de prédication morale. La faillite des partis, définitive, actée, est d’abord celle du débat démocratique. Elevons le niveau du débat, mettons au centre les préoccupations des populations, la répartition des richesses, les libertés individuelles, les grandes options, et alors apparaitront des constructions politiques plus nobles. Or les medias publics tirent vers le bas et le reste suit. Parce que Allali et Manar Slimi, sur Aloula, ont été à leur niveau habituel, celui d’ « experts » qui soutiennent le lundi ce qu’ils ont dénoncé la veille, a contraint les décideurs à rappeler les vieux poids lourds, comme mon professeur Abdellah Saaf, qui est mieux construit, plus profond que ces « experts » cocotte minute, censés fabriquer l’opinion publique. Payés par nos impôts, les medias publics ont participé à la débâcle de la construction démocratique en rabaissant les débats, en cédant à la « peoplisation » de la politique, en désinformant de façon éhontée pour faire plaisir aux gouvernants. Ce qui se passe sur le Net est d’une bassesse absolue, la promotion de la haine, des bas instincts, est la conséquence du vide des médias publics. Si on veut réellement de vrais partis, il faut un débat profond et serein. C’est le seul moyen de rénover le champ politique en donnant de l’attractivité à l’action politique. Mais il faut aussi rompre définitivement avec la tentation de contrôler la vie politique et surtout respecter les instances élues et leur permettre de s’émanciper de la tutelle. Les textes sont là mais la pratique est féodale, castratrice, minorant les élus. Ce n’est que par l’instauration d’un débat de haut niveau sans tabou, que nous arriverons à terme, à une vie politique saine.
Le poisson pourrit par la tête, c’est donc par elle qu’il faut commencer
L’Administration a aussi pris « plein la gueule » dans le discours royal. C’est le monstre de Loch Ness. Mais là aussi il faut être clair. Dans nos arrondissements il y a plus de fonctionnaires que de chaises. L’Etat fait semblant de les payer, ils font semblant de travailler. La corruption est un fait établie.
Dans nos hôpitaux les familles des malades se sentent obligées de payer les femmes de ménages, pour que le patient ne soit pas submergé de détritus. Cela fait 40 ans que l’on répète le même constat. Il faut une fois pour toute réviser le statut de fonctionnaire. Introduire l’émulation, le contrat projet, la gestion par objectif, est le seul moyen d’avoir une administration efficace. Le poisson pourrissant par la tête, ces règles doivent s’appliquer en premier à l’administration centrale.
Des territoires laissés à l’abandon
Enfin, notre grand échec, ce sont les disparités territoriales. Les choix qui ont été faits, jusqu’ici, sont un échec. Ils sont basés sur une stupidité néo libérale qui réduit le développement au taux de croissance. Cela fait des années que je m’insurge contre ce dogme. Malheureusement, l’histoire me donne raison. Des territoires sont laissés à l’abandon, des villes autrefois florissantes se meurent, Debdou, Sefrou, Demnatte, ne sont plus que des bourgades sans vie, Safi, ma ville chérie est au bord de l’implosion. L’exode a abouti à la ruralisation des villes. Les politiques publiques ont tout faux. Huit millions de marocains vivent en dessous du seuil de pauvreté. C’est dans ces zones sinistrées qu’ils se trouvent. Lors qu’on dépense des milliards pour le tgv, quand des douars sont totalement coupés du monde dés qu’il neige, ce n’est ni juste ni efficace. Car il ne faut pas oublier que c’est l’intégration de ces territoires, de ces Marocains au circuit économique qui élargira le marché intérieur, condition du décollage. En même temps la solidarité passe par la fiscalité et non pas par la charité et il faut un vrai débat, courageux, là-dessus. Le modèle de développement n’est pas le bon. Il n’assume ni la diffusion de la croissance, ni le partage de la valeur. Les services publics étant défaillants, les pauvres tombent dans la misère.
Les trois leviers sont indissociables. Il faut commencer par le commencement. C’est-à-dire le débat sans tabou, sans chape de plomb. Mais il faut faire vite, parc e que ceux d’en bas ne veulent plus vivre comme avant et qu’ils se font entendre.
Etre patriote ce n’est pas saluer un constat courageux, éclairé, du souverain, c’est réfléchir à des issues heureuse en réponse à des questions lancinantes. Tout remettre à plat, dans la sérénité et le respect, est notre devoir collectif de citoyens.