chroniques
Guergarate : Un affrontement qui ne fait que commencer
A Guergarate, le Polisario est en porte à faux avec les Nations Unies, et qu’à terme il va se retrouver face-à-face avec les pays africains qui commercent avec le Maroc par cette voie. Et quoi qu’il advienne, l’armée marocaine n’est toujours qu’à quelques mètres
De la même manière que l’entrée d’éléments de la Gendarmerie Royale à Guergarate en août 2016 a pris de court, son retrait unilatéral le 26 février de cette zone tampon a surpris. En y entrant, le Maroc, qui en avait informé auparavant l’ONU, s’était assigné un objectif précis : Nettoyer cette zone devenue de non droit de tous les trafics qui y prospéraient et asphalter quelques kilomètres pour canaliser et fluidifier le trafic commercial routier légal en direction de la Mauritanie et des pays de l’Afrique subsaharienne. Si le premier objectif semble avoir été atteint, le second a apparemment empiré. Les éléments du Polisario ayant décidé de ne pas obtempérer à l’appel du nouveau secrétaire général de l’ONU de vider la zone de toute présence militaire, la situation, au moment où j’écris, est au point mort. Pourquoi Rabat a-t-il alors décidé de se retirer ?
D’abord pour ne pas indisposer Antonio Guterres fraichement élu au poste de secrétaire général de l’ONU. Un diplomate qui a une fine connaissance du dossier, en maitrise les tenants et aboutissants et peut le moment venu apporter au sein des Nations Unies une nouvelle intelligence à la solution du conflit. Même si ses marges de manœuvre restent encadrées par les grands du Conseil de sécurité, le patron de l’ONU a la main sur l’appareil de l’instance internationale et jouit d’une réelle influence sur l’évolution de ses dossiers. Le Maroc en a vu un échantillon avec son prédécesseur Ban Ki-moon.
Ensuite pour ne pas laisser les fanfaronnades du Polisario dans la zone parasiter l’offensive diplomatique du Roi Mohammed V en Afrique. Au début, pendant qu’Alger se démenait pour empêcher le retour du Maroc à l’Union Africaine, les hommes du Polisario se limitaient à un positionnement d’observation. Mais dès que ce retour devenait une certitude, ils ont commencé à se livrer à leurs bravades dans l’espoir d’un clash qui compromettrait ou du moins compliquerait ce retour. La retenue du Maroc ne leur a pas facilité la tâche. La demande d’adhésion du Maroc à la CEDEAO dans la foulée du retour a eu l’effet d’une douche froide sur Alger et le Polisario. Au point que le journal algérien Al Watan, pas si tendre avec Rabat, n’a pas hésité à la qualifier de « séisme géopolitique ». Une longue analyse dont-il déduit que « l’approche [algérienne] de l’isolement du Maroc pour obtenir des concessions » sur le Sahara « a échoué depuis longtemps » relevant auparavant « que ce qui vient de se produire claque comme une menace d’isolement renversé de l’Algérie ». Enorme enjeu !
Dès lors on comprend mieux que Rabat préfère la retenue à l’escalade et qu’Alger et son Polisario s’engouffrent dans la diplomatie de l’affolement qu’illustre non seulement l’entêtement de ce dernier à ne pas répondre favorablement à l’appel au retrait du secrétaire général de l’ONU, mais aussi et surtout la langue lettre de soutien irréfragable de Abdelaziz Bouteflika à Ibrahim Ghali à l’occasion de ce qu’il appelle dans son message l’anniversaire de la création de la RASD. Une lettre qui ne peut cacher que d’ores et déjà le Polisario est en porte à faux avec les Nations Unies, et qu’à terme il va se retrouver face-à-face avec les pays africains qui commercent avec le Maroc par cette voie. Et quoi qu’il advienne dans cet affrontement qui ne fait que commencer, l’armée marocaine n’est toujours qu’à quelques mètres.