chroniques
Il était une fois Iza et Hassan
Titrite de l’Atlas, la petite étoile de ces montagnes qui mènent de l’autre coté d’Azilal aux cascades d’Ouzoud, est une ambition où les jours ne s’appellent pas lundi, dimanche ou samedi, mais réveil tôt et coucher tard
Iza est une jeune femme de 25 ans. Elle a eu son MBA d’une école à Rabat plutôt bien cotée. Comme elle a de l’entregent, elle a réussi à trouver un emploi bien rémunéré pour quelqu’un à l’aube de sa carrière professionnelle. Hassan est un jeune homme d’un an son aîné. Il a fait le même cursus, mais dans une autre école non moins renommée. L’amour a scellé leur destin et s’est conclu par un beau mariage. Ils auraient pu être tentés par le confort douillet de la vie citadine et de la présence rassurante de la famille dans les parages, de la boite pas très loin, du petit resto juste au coin, travailler chacun de son côté, se retrouver le soir pour un brin de causette et se conter fleurette et au crépuscule de leur vie on écrirait ils vécurent heureux et eurent deux enfants, une fille et un garçon. Mais ni l’une ni l’autre n’ont voulu de ce destin de salarié réglée sur l’heure de bureau, sans risque et sans saveur. Ils ont préféré nicher à 1400 m d’altitude, là où il fait très froid l’hiver et très chaud l’été, à six heurs de routes de Rabat, à trois kilomètres d’Azilal où on ne trouve même pas un pédiatre. Quinze kilomètres après Bin El-Ouidane, au milieu de montagnes récemment reboisés de jeunes oliviers et de conifères, se dresse leur aventure, une maison d’hôtes pour les amants de la nature et les amateurs de chasse ou de pêche.
Titrite de l’Atlas, la petite étoile de ces montagnes qui mènent de l’autre côté d’Azilal aux cascades d’Ouzoud, est une ambition où les jours ne s’appellent pas lundi, dimanche ou samedi, mais réveil tôt et coucher tard chaque fois que le soleil se lève, qu’il fasse beau, qu’il pleuve ou qu’il neige. On mange berbère même si l’on ne parle qu’arabe, et c’est bon, je ne sais pas si parce que la cuisinière est un cordon bleu ou si c’est l’air pur de la montagne. C’est rustique, mais confortable et conviviale. Du coin de la cheminée, contemplant ce jeune couple donner corps à ses envies et à la fureur de vivre autre chose que le train train, pour reprendre une expression de Rachid Boujedra, des escargots entêtés de la bureaucratie, mes souvenirs me ramenèrent plus de trente ans en arrière. Jeune journaliste, Paul Pascon, pionnier de la sociologie, notamment rurale, au Maroc, m’embarqua dans ses valises pour un stage de terrain dans la région de Sidi Allal Tazi avec les étudiants de l’Institut agronomique Hassan II. En même temps qu’il les introduisait aux complexités des rapports sociaux dans la campagne, il peinait à donner où à redonner à ces futurs ingénieurs agronomes le goût de la terre et l’amour de l’agriculture. Je fus surpris d’apprendre d’eux qu’eux ne rêvaient que de bureaux, d’ordres à donner et de médecins à deux encablures de la maison. Des médecins comme ceux que le ministre de la Santé, Lahcen Louardi n’a pas réussi à contraindre à un service sanitaire obligatoire dans les contrées lointaines ou isolées. Tristes souvenirs que j’ai fuis par lâche résignation, constatant une fois encore, que l’école publique marocaine ne forme ni au rêve, ni au risque, ni à l’aventure.