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Israël joue son existence dans le souffle de son agression – Par Talaa Saoud El Atlassi
Dévastation après une frappe israélienne qui a visé le quartier de Sfeir dans la banlieue sud de Beyrouth, le 6 octobre 2024. (Photo par AFP)
La troisième guerre mondiale, que l'Occident dit craindre et appelle » à la désescalade pour l’éviter, se déroule en fait « en détail » et est candidate au déclenchement en bloc, avec la participation active et enthousiaste de l'Occident lui-même.
Cette guerre servie pour l’instant au détail se répartit sur deux fronts : la guerre en Ukraine contre la Russie pour laquelle l'Occident mobilise toutes ses potentialités financières et militaires pour vaincre la Fédération russe et l'encercler par l'OTAN à ses frontières, et la guerre d'Israël contre la Palestine, le Liban et la Syrie, avec le soutien politique, médiatique et logistique de l'Occident.
Sur ces deux terrains, l'Occident teste ses armes et sa technologie militaire, et il n'est pas pressé d'arrêter les deux guerres parce qu'il veut une troisième guerre mondiale que l'histoire ne retiendra pas sous son vrai nom. Il y incite et l'alimente sans en subir concrètement les conséquences, et ne veut pas en assume la responsabilité, même si sa participation réelle à cette guerre est explicite et avérée.
La duplicité occidentale
De cette troisième guerre mondiale, le présent article retient les événements en cours dans la sphère arabo-musulmane, dans laquelle le Maroc est fortement présent par l'histoire, par la géographie et par un large horizon d'avenir. Ici, les pays occidentaux bénissent la guerre d’extermination des Palestiniens par Israël et applaudissent à tout rompre son agression contre les peuples libanais et syrien. Dans cette guerre, l'Occident ne met pas seulement Israël sur un pied d'égalité avec ses victimes, ce que contredit la réalité de l'occupation israélienne contre le peuple palestinien et l'agression de plusieurs décennies contre le Liban et la Syrie, mais il a en permanence pris le parti d'Israël au détriment de ses proies, niant le droit légitime du peuple occupé à résister à l'usurpateur de son droit à la terre, à l'indépendance et à la liberté.
La diplomatie et les médias occidentaux appellent à la désescalade, et l'appel est lancé de la même manière à toutes les parties alors même qu’ils savent que ce que fait Israël est une escalade « avec préméditation ». Peu leur importe la guerre d'extermination et d’anéantissement en cours en Palestine, qui a fait plus de 200 000 victimes, entre martyrs, personnes ensevelies sous les décombres et blessés, et peu leur importe aussi l'horrible destruction de la civilisation à Gaza et dans d'autres villes palestiniennes de Cisjordanie, et peu leur importe encore l'assassinat de dirigeants palestiniens et libanais, ils se refusent à y voir d'une escalade israélienne continue et permanente d'une pratique d'agression vieille de plusieurs décennies, datant de bien avant le 7 octobre 2023.
L'occupation israélienne est en soi une escalade, car il s'agit d'une occupation des territoires palestiniens, enregistrée aux Nations unies depuis 1967, mais où Israël continue de pratiquer une agression quasi quotidienne contre le peuple palestinien et son droit à résister à l'occupation. Tel-Aviv a violé, nié et ignoré toutes les résolutions des Nations unies appelant à la sauvegarde des droits du peuple palestinien, à l'arrêt des massacres dont il est victime, à l'arrêt de l'expansion des colonies sur ses terres et à l'arrêt de la judaïsation des caractéristiques urbaines de Jérusalem, la capitale historique de la Palestine. Il s'agit d'une escalade et d'une agression qui se manifestent tous les jours de l'année et au fil des décennies, et qui n'ont jamais cessé, malgré le fait que les Arabes, y compris les Palestiniens, ont reconnu l'existence d'Israël et se sont engagés à assurer sa sécurité, par le biais de résolutions de la Ligue arabe, en particulier lors des deux conférences de Fès, au Maroc, et ont lancé leurs appels à la « paix contre la terre ». Ils ont ainsi offert la possibilité aux négociations d'Oslo de se faire. Les engagements pris par le processus d’Oslo entre Israël et les dirigeants palestiniens, représentés par le président Yasser Arafat, étaient censés ouvrir dans le tumulte de la confrontation, la voie à une « solution à deux États ».
L'accord sur cette solution a été signé à Washington il y a plus de trente ans, et pendant plus de trente ans, Israël s’est obstiné à s ’y opposer impunément. Il en a répudié l’esprit avant la lettre et renié toutes les étapes qui auraient conduit à la solution finale, autre que celle qu’ils ont en tête, celle d'un État palestinien à côté de l'État d'Israël, qui s'est emparé de la majeure partie des territoires de la Palestine d’avant 1948 et 1967. Un État avec Jérusalem-Est comme capitale sur les terres occupées en juin 1967, Un Etat puzzle, des parties séparées les unes des autres en Cisjordanie, sans parler de Gaza, séparée de la Cisjordanie par la présence israélienne sur les routes et les points de passage entre les deux.
Quand l’interdit embrasse tout
Les dirigeants israéliens ont déchiré les accords d'Oslo et se sont opposés à la possibilité d'un État palestinien en étendant les colonies sur les territoires des Palestiniens, en déclarant Jérusalem capitale éternelle de l'État d'Israël, en envahissant militairement les villes et les villages palestiniens par des centaines de massacres et des milliers d'arrestations, en réduisant l'influence de l'Autorité palestinienne et en limitant ses pouvoirs administratifs, financiers et sociaux. À cela s'ajoute le blocus de la Bande de Gaza depuis 2006, qui l'isole de la Cisjordanie dans l'espoir de la séparer effectivement et formellement de l'Autorité nationale palestinienne.
Cette escalade de l'agression israélienne, qui s'écarte des propres engagements d'Israël, viole les droits nationaux minimaux des Palestiniens, ignore les résolutions des Nations unies et des organismes internationaux, les appels et les recommandations de l'Union européenne, et ignore les appels et les avertissements des sages dirigeants des pays arabes, a alimenté la résistance du peuple palestinien, qui a lancé le cri du désespoir le 7 octobre 2023. Le cri d'un peuple occupé, assiégé et attaqué dans sa vie quotidienne, ses droits piétinés et ses espoirs asphyxiés sous les éternelles bombes. Ce cri, la machine de propagande israélienne, soutenu par celle de l’Occident a étouffé, remodelé à sa guise pour légitimer la criminalité israélienne que les dirigeants de l'extrémisme politique et religieux israélien mythifient sur l’autel de la Terre promise.
Voici Israël. Et voilà l’Occident : Le droit des Palestiniens à un État est interdit, le droit de résister à l'occupation est interdit, et toute solidarité avec eux est interdite. Seule est possible cette guerre qu'Israël lui livre depuis le 8 octobre, qui se poursuit aujourd'hui, et se poursuivra demain et après-demain, avec la bénédiction de ceux qui ont béni sa création en 1948. Un rouleau compresseur, une machine infernale qui encouragent le blocage des perspectives de paix dans la région et stimulent l'escalade israélienne d'aller jusqu'au bout dans l’extermination du peuple palestinien et la réalisation du rêve du Grand Israël.
L’impuissance mère de l’inimaginable
Avec cette approche, Israël et les pays occidentaux poussent tous les Arabes, les peuples et les dirigeants, au premier rang desquels le peuple palestinien et ses dirigeants, dans l'impuissance mère de l’inimaginable. C'est une situation qui fera taire la voix de la sagesse dans le monde arabe, provoquera la défiance et engendrera spontanément en Palestine la force de la poursuite de la vie, de la dignité et de la réalisation des droits nationaux.
L'escalade israélienne, en poursuivant son agression contre le peuple palestinien et en étendant son agression au Liban et là a Syrie, risque d'aller loin, mais aussi d'échouer, comme l'a écrit le journal français Le Monde dans « Cinquante ans qu'Israël essaie et échoue à trouver une solution militaire ». L'échec ne semble pas préoccuper les dirigeants israéliens, tant que la plupart des pays occidentaux sont avec eux, leur apportant généreusement un soutien politique, des finances, des armes et une couverture médiatique. Cependant, cette escalade, avec ses conséquences économiques, sécuritaires et surtout humanitaires, enverra des vibrations politiques dans toute la région, pour atteindre les pays occidentaux eux-mêmes. Elle ébranlera les structures géopolitiques actuelles et ouvrira le monde à ce qu'il n'attendait pas, puisqu'il suit l'expansionnisme israélien dans ses délires talmudiques.
Les solutions figurant sur les cartes que le Premier ministre israélien affiche fois que la caméra de télévision est devant lui, même à la tribune de l'ONU, semblent faciles et possibles, et il semble ravi de pouvoir avancer vers la réalisation du rêve talmudique du Grand Israël. Les emplacements des forces contre l'agression israélienne sont créées et élargies par l'agression elle-même. En revanche, les cartes du droit national palestinien sont établies par la résistance du peuple palestinien, dont les forces se renouvellent et dont les factions sont unies, au-delà de leurs différences et de leurs désaccords, pour obtenir le droit à la liberté et à la dignité.
Les fantasmes des dirigeants israéliens
Les cartes de Netanyahou, elles, resteront confinées dans les tiroirs de son bureau et dans les fantasmes des dirigeants israéliens. C'est la logique de la réalité telle qu'elle se déroule sur le terrain pour le droit à la terre.
Les craintes d'une escalade qui déclencherait une guerre à grande échelle dans la région sont inventées de toutes pièces. Il est peu probable que l'Iran s'engage dans une guerre à grande échelle contre Israël, et Israël se sert simplement de la menace iranienne comme d'un épouvantail. L'Iran a dénoncé l'assassinat du chef du Hamas, Ismail Haniyeh, dans sa capitale alors qu'il était sous sa protection, et a tenu sa promesse de représailles en réponse… à l'assassinat du chef du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, une parade de feux d’artifice envoyés sur des villes israéliennes. L'Iran est conscient de ses intérêts et les protège : sous l'ayatollah Khomeini, il avait déjà coopéré avec les États-Unis et Israël dans le cadre de ce que l'on a appelé l'« Iran Gate ». L'Iran est conscient de son incapacité à rivaliser avec la puissance de l'aviation et des missiles israéliens, puissamment soutenus par les États-Unis. Ses dirigeants ont déclaré il y a quelques jours qu'ils n'enverraient pas leurs forces au Liban ou en Palestine. Et il est probable que l'Iran ne réagira pas à une éventuelle riposte israélienne.
En réalité, si la solution des deux États n'est plus possible, comme c'est le cas actuellement, il reste la solution d'un État démocratique pour deux peuples, qui est encore plus éloignée par la proclamation de la judéité de l'État hébreu puisque « les chrétiens et les musulmans palestiniens n'ont pas de statut dans l'État » et encore plus éloignée par le fascisme talmudique qui sévit au sein du peuple israélien. La poursuite de l'escalade expansionniste de l'occupation israélienne et le déplacement du peuple palestinien entre la Jordanie et le Sinaï égyptien n'est pas non une solution, mais un cauchemar criminel et irréalisable qui a de fortes chances d’engloutir l'assurance de l'existence de l'État d'Israël. Car il menace plutôt de désintégrer son tissu politique et social et de le pousser à l'effondrement.
Ce n'est pas de la jubilation, c'est ce que l'on peut déduire de l'arrogance israélienne et du fait d'être entraîné dans des illusions de puissance amplifiées par des hallucinations religieuses. La guerre ne s'étendra pas au-delà de la Palestine et du Liban, mais l'arrogance d’un Israël rasant tout sur son chemin à Gaza, preuve du peu d’égard qu’il a pour la paix et la sécurité, l’ont mis sans issue dans le bourbier gazoui. Il en va de même pour ce qu'il est en train de faire avec son armée et son arrogance dans les montagnes et les vallées du Sud-Liban, où il est plus difficile de sortir que d'entrer.