chroniques
La bonne attitude
Il est de la responsabilité des deux géants du Maghreb d’apporter leur expérience en soutien aux voisins du sud, pour leur propre intérêt
Le Maroc a participé à la réunion 5+5 à Alger. C’est en soi un événement, indépendamment des résultats. Or ceux-ci sont importants selon les participants. Le Maroc et l’Algérie ne peuvent se tourner le dos quand il s’agit de défis régionaux, aussi importants que le terrorisme, les migrations ou le co-développement. Par leur situation géographique, le poids de leurs économies, ils sont les meilleurs interlocuteurs face à l’Union européenne. Cette entité demande aux pays du Sahel de combattre le terrorisme et de juguler les flux migratoires. Mais se montre avare, bien qu’un peu moins depuis l’arrivée à L’Élysée d’Emmanuel Macron, quand il s’agit de financer le décollage économique sans lequel ces luttes risquent de s’éterniser.
Le Maroc et l’Algérie sont aussi les deux armées les plus puissantes de la région, avec des services de renseignement très agressifs dans la lutte anti-terroriste, mais également contre toutes sortes de trafic, puisque, pour passer en Europe, ces trafics finissent par traverser ces deux pays. Il est de la responsabilité des deux géants du Maghreb d’apporter leur expérience en soutien aux voisins du sud, pour leur propre intérêt. L’attaque du complexe pétrolier algérien par l’AQMI est encore dans toutes les mémoires. Cette coopération est obligatoire. Il serait inconcevable qu’elle n’ait pas lieu.
Le conflit du Sahara n’est pas un contentieux anodin. Tout le monde voit qu’après 20 ans de cessez-le-feu, on ne fait que du surplace, malgré la proposition marocaine sérieuse d’autonomie. Cependant, la géographie est immuable et le voisinage maroco-algérien est éternel. Partant de ce principe, les deux diplomaties ont des intérêts communs dans la région et peuvent utiliser le multilatéralisme pour les défendre. C’est une preuve de maturité politique qu’elles s’y engagent. Ce sillon doit être approfondi. S’allier pour faciliter le retour à la paix au Mali et en Libye, par exemple, est profitable à l’ensemble de la région et donc aux deux pays. Or, ce n’est pas le cas jusqu’ici où chaque diplomatie a joué sa partition, pour des résultats très mitigés. La rencontre d’Alger peut constituer le coup d’envoi d’un nouveau processus, ou du moins d’une nouvelle séquence de coopération sur les questions régionales, sécuritaires, mais aussi de développement.
Sur le plan sécuritaire, l’une des craintes est que les survivants de la sphère irakosyrienne se rabattent sur les foyers sahéliens comme l’avaient fait, auparavant, les afghans arabes ou encore les résidus du GIA algérien. La force armée constituée par les pays du G5 a besoin d’armement, mais aussi de renseignement. Les deux puissances du Maghreb peuvent être décisives dans cette bataille qui s’annonce.
Sur les flux migratoires, il est clair qu’Alger et Rabat ont tout intérêt à un meilleur contrôle des routes sahéliennes, mais aussi à forcer l’Europe à investir massivement dans le co-développement. Sur tous les sujets, les intérêts sont communs aux deux pays. La diplomatie n’est plus une question de sentiment, mais de gestion des intérêts bien compris de chaque État. On ne peut donc qu’applaudir une approche coopérative sur les sujets évoqués plus haut. On peut espérer qu’une telle approche apaise les rapports entre les deux capitales et permette, à terme, la réouverture des frontières, un flux commercial d’importance, des contacts humains, des échanges culturels, etc. La situation actuelle ne peut pas perdurer parce qu’elle n’est pas naturelle et qu’elle handicape les deux économies. Se retrouver sur les intérêts communs est l’approche la plus réaliste pour normaliser autant que faire se peut les rapports de voisinage entre les deux pays et les deux peuples que tant de choses lient à travers l’histoire.