chroniques
La conscience du vivant
Les deux macaques vous accueillent à l’entrée de la place et leur spectacle m’a affligée. Aux côtés des reptiles, ils demeurent les mascottes de la halka et des attroupements
J’ai vu deux singes magot à la place Jamae El Fna et leur image me hante. Ils étaient pendus à une chaine en métal et ils doivent toujours l’être à l’heure où j’écris ces quelques lignes. Ils étaient deux à graviter autour de leur maître. Le plus jeune s’accrochait à son épaule, désorienté par le brouhaha de la place. Son regard scrutait, non sans stress, ce monde fait d’humains à pieds, d’humains à deux roues, de bruits de vendeurs qui achalent le passant et de sons de ghaita supposés charmer les serpents. Son aîné paraissait plus résigné. Il connaissait son rôle et Il se tenait prêt à grimper sur l’avant bras du touriste pour une photo souvenir. Il allait au devant des gens en trainant son arrière-train recouvert d’une couche culotte souillée.
Les deux macaques vous accueillent à l’entrée de la place et leur spectacle m’a affligée. Aux côtés des reptiles, ils demeurent les mascottes de la halka et des attroupements où les joutes orales le disputent aux habiletés des jongleurs, danseurs et cracheurs de feu. Des cédraies de l’Atlas ils ne doivent garder aucun souvenir. Nous sommes à des lieux des forêts et de leur habitat normal. Nous sommes aussi à des années lumières de la conscience du droit des animaux de n’importe quel touriste occidental qui foule le sol de Jamae El Fna. J’ai déjà vu, sur une jetée en Gaspésie, de l’autre bout de l’Atlantique, un enfant pleurer de chaudes larmes car un adulte avait pêché un maquereau et que le pauvre poisson gigotait sur la grève. Il persiste dans ces spectacles de rue d’un autre temps, ma volonté de ne pas composer avec ce temps historique décalé qui fait qu’une fille du bled peut se retrouver bien étrangère chez elle.