Lahcen Zinoun : L'homme des cadences – Par Rédouane Taouil

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C'est dans l'âme de Hay Mohammadi, cette cité qu'il chérissait que le maître à danser puisait des souffles pour fonder, avec son épouse, une école de danse et une compagnie, le Ballet-théâtre

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Dans la cité louée, ainsi baptisée en l'honneur de Mohamed V, où les radios d'antan encore rangées dans les armoires, se souviennent du Roi du Maroc de l'aube, la louange est l'incipit de la parole. Quand ses natifs sont invités à évoquer des fragments de leur vie, ils sont volontiers enclins à louer leur cité. A la question « comment avez-vous été initié à l'art de la poésie muette », le chorégraphe aimait à dire que son rêve intérieur était inspiré, parmi les siens et les voisins, par des mouvements d'épaules et de battements de main, les rythmes des tambourins et des pieds complices de rondes ondulantes faisant corps avec le chant.

Dans la cité louée, les descendants des montagnes, des plaines proches ou lointaines, des palmiers des confins du désert se mouvaient ensemble comme les cercles des danseurs.

Sur les bancs des écoles publiques de la cité louée, les enfants apprenaient à "bien lire et comprendre", à compter et écrire à l’aide de deux plumes, à réciter "la biche brame au clair de lune" et à retenir par cœur versets et vers.

Dans la cité louée, les maillots blancs du TAS étaient supportés corps et flamme. Ils dessinaient par leurs pieds des courbes d'émotion comme les danseurs avec leurs "orteils intelligents". Encore aujourd'hui, on jure sur la tête de leur entraîneur légendaire comme pour perpétuer le souvenir.

Dans la citée louée, de nombreuses pléiades de cœurs bourdonnaient à l'idée de pratiquer les arts admirés dans les salles obscures ou au théâtre, devant le petit écran ou sur les ondes de la radio.

C'est dans l'âme de cette cité qu'il chérissait que le maître à danser puisait des souffles pour fonder, avec son épouse, une école de danse et une compagnie, le Ballet-théâtre, pour côtoyer des figures marquantes telles Georges Skibine, André Leclair, Jeanne Brabants et tutoyer le bonheur, pour léguer ses  cadences dans « Les beaux jours de Shéhérazade » de Mostafa Derkaoui, « La dernière tentation du Christ »  de Martin Scorsese et « Un thé au Sahara »  de Bernardo Bertolucci, pour célébrer les chants des terres et célébrer au cinéma l’éparpillement de la beauté. Toute sa carrière, il conviait comme Nietzche  à  " danser  d'un pied léger malgré les lourdeurs du monde". 

Il y a lieu de le louer dans ce poème :

Le cœur éclos 

Il y a l'ombre cramoisie 

D'un papillon au songe 

Gracile

Des étoiles qui trempent

Leur semence dans la rosée 

Des souvenirs ensoleillés

Pareils à des lampes 

Suspendus sur les murs

De ta cité louée

Il y a des feuilles 

Qui tombent en dansant

Comme pour narguer

Le vent

La partition de la pluie 

Sur des toits scintillants

D'harmonie 

Il y a une lune indélébile 

Qui se remémore

Ses clairs de printemps 

Il y a encore 

Des jours à  étreindre

A plein cœur.

R.T.