Le Pont sur la Drina – Par Samir Belahsen

5437685854_d630fceaff_b-

L’œuvre d’Ivo Andric dans sa globalité s’inscrit dans le projet de bâtir par la prose et l’engagement des ponts dans une région qui a été et qui pourrait être un laboratoire de la coexistence des peuples

1
Partager :

 

« On sait cependant depuis longtemps qu'il n'est pas suffisant d'acquérir la liberté, mais beaucoup plus important de devenir digne de cette liberté. »

Ivo Andric

« Dès qu'un gouvernement ressent le besoin de promettre par voie d'affiches la paix et la prospérité à ses administrés, il convient de se méfier et d'en attendre tout le contraire. »

Ivo Andric

"Le Pont sur la Drina", c’est le titre du roman d'Ivo Andric. Toute ma connaissance de la littérature croate commence te s'arrête là. 

Ivo Andric est un écrivain Yougoslave, sa bibliographie renvoie à l’histoire de la région qu’on appelait autrefois  la Yougoslavie.
Il est né en Bosnie dans une famille croate, il a grandi à Višegrad, la ville du pont. Il se fait serbe après la Seconde guerre mondiale. Et décède à Belgrade en 1975.
Après l'attentat de Sarajevo en 1914, il est fait prisonnier par la police austro-hongroise, en raison de son appartenance à l'organisation de la Main noire qui a préparé l'assassinat de l'archiduc et qui était qualifiée de terroriste. Il a par la suite milité pour le rattachement de la Bosnie à la Serbie.

Dès 1921, il embrasse une carrière de diplomate où il défend avec une grande efficacité les intérêts du royaume de Yougoslavie.

En 1941, la guerre éclate, les Allemands bombardent Belgrade, il rentre …
Après la Libération, il se rallie au régime du maréchal Tito, adhère au parti communiste en 1954. Il lui restera fidèle jusqu'à sa mort.

Ivo Andric a reçu le prix Nobel de littérature en 1961.

La relecture , je la dois à l’académie du Royaume du Maroc qui a  organisé le mercredi 13 décembre une rencontre centrée sur le chant, la poésie et la musique croates.

Pourrait-on considérer Ivo Andric comme croate ? 

En quoi est-ce important ? Et puis, c’est toujours compliqué avec tous les soubresauts de l’Histoire de cette région. Il reste que le roman est en langue croate et que les origines de l’auteur le sont.



Le roman est une chronique, d’une infinie poésie, de la ville de Visegrad, sur la Drina, « aux confins de la Bosnie, du Sandjak et de la Serbie ».  La Drina est une rivière du Monténégro, de la Serbie et de la Bosnie-Herzégovine qui s'écoule sur 350 km et qui constitue actuellement pour une bonne part la frontière entre la Bosnie-Herzégovine et la Serbie.

Le roman est en fait un récit qui résume toute la tourmente balkanique.

La vie sociale de la ville se vit autour de son pont de pierre construit par le vizir turc Sokollu de Mehmet Pacha (au XVIe siècle ). 

L’histoire de la ville et ses histoires ont lieu sur le pont et se racontent sur la kapia, ce vaste espace au centre du pont.

Le pont a subi plusieurs rénovations au fil des ans. Durant les conflits de la fin du 20ème siècle en ex-Yougoslavie, le pont a subi des dommages mais a été ensuite restauré pour finir en 2007, sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO, en reconnaissance de sa valeur historique, culturelle et architecturale.

Le roman met en lumière la vie d'une ville qui gravite autour de son pont, mais il explore également le symbolisme d'un pont entre l'Orient et l'Occident. 

Il dépeint à travers l'histoire de la région comment les guerres peuvent détruire les liens entre les peuples et les civilisations. 

Dans ce roman, les éléments de l’action romanesque côtoient la réalité historique. Au travers des destins particuliers, c’est la grande Histoire tourmentée des peuples des Balkans, avec leurs communautés, leurs légendes, et les influences successives qui les ont vassalisées qui intéresse Andric.

Il expose l’intrication perpétuelle entre sectarisme et antagonisme politique d’une part, et coexistence ethnique de l’autre. Les appétits des puissances voisines en profitent et les nourrissent. 

Toute ressemblance avec d’autres régions du monde est l’œuvre des hommes, de leur avidité et de leur manque d’humanité. Peut-être que l’humanité est en manque de pont …

L’œuvre d’Ivo Andric dans sa globalité s’inscrit en fait dans le projet de bâtir par la prose et l’engagement des ponts dans une région qui a été et qui pourrait être un laboratoire de la coexistence des peuples.

Certes, elle a connu une violence inhumaine, mais elle a été elle-même un pont. Il me plait de croire qu’elle le redeviendra, comme il me plait de croire qu’il y a des ponts éternels, que même les guerres n’arrivent pas à détruire. Je crois Qu’Ivo Andric en était.

lire aussi