Politique
Le slalom de Benkirane
Benkirane nous doit quelques explications, non pas pour avoir notre soutien, mais juste pour comprendre un peu ce qui se passe, et si possible donner une lecture politiquement compréhensible
Le chef du gouvernement désigné a déclaré que la partie du discours de Dakar sur la constitution de la coalition lui allait très bien et c’est ce qu’il entendait faire. Je ne vais pas être plus Benkiraniste que Benkirane et m’attacher à un texte, la charte fondamentale, la constitution qui n’a l’air d’impressionner personne. Je vais donc faire comme tout le monde de la politique politicienne.
Benkirane nous doit quelques explications, non pas pour avoir notre soutien, mais juste pour comprendre un peu ce qui se passe, et si possible donner une lecture politiquement compréhensible.
Mathématiquement le PJD, l’Istiqlal, le PPS, et l’USFP cela fait une majorité. Il est vrai que Lachgar a roulé des mécaniques alors qu’il devrait se cacher, mais enfin, avec un secrétariat d’Etat pour l’un de ses affidés, cela aurait pu s’arranger. Le chef des islamistes avait donc l’occasion, non pas de réaliser le « bloc historique » parce que le contexte n’est plus le même, mas de se passer des partis, génétiquement liés au « Tahakkoum », son arme fatale.
Même le Mouvement populaire, qui a une quintessence historique en tant que parti du terroir contre les élites citadines, n’a pas été farouche. Saïd Ameskane, qui n’est pas un perdreau de l’année, mais qui reste très influent au sein de la Haraka, a déclaré : « si on ne participe pas au gouvernement, il vaut mieux se retirer de la scène politique ». La signification est simple, ce parti aussi ne veut pas se laisser manger par l’ogre PAMiste. Elections après élections.
Mais que fait Benkirane ? Il demande en mariage le RNI. Celui-ci réclame la sortie de l’Istiqlal de la coalition. Ces deux partis seraient ils irréconciliables ? Ils ont gouverné ensemble après la pire des falsifications des résultats en 1977 jusqu’en 1983, puis de 1997 à 2012. Cela en fait des dossiers cogérés, des rentes distribuées, des compromissions cachées. Benkirane sait que le RNI c’est le cheval de Troie, qui quittera le navire parce qu’un parquet n’a pas été bien ciré au premier coup de fil. Mais il le veut en gage de bonne volonté : « J’accepte votre cheval de Troie, c’est la preuve que je n’ai aucune intention de rébellion, malgré ma campagne hystérique ». C’est ce que semble vouloir dire Benkirane.
Seulement, le cheval de Troie ne sert à rien, si sa présence n’est pas numériquement déterminante, d’où la demande de l’exclusion de l’Istiqlal. Autre point important, c’est que les postes technique,s le PJD en est dépourvus. Istiqlal et RNI peuvent fournir des technocrates « labellisés » ce qui réduit les ministres de souveraineté, de manière factice.
Benkirane n’a pas toujours menti, il a dit à Taroudant : « donnez-moi vos voix et laissez-moi me débrouiller pour trouver une majorité », il jongle avec les contraintes, sans aucun principe, ni ligne directrice. Il ne peut plus se présenter comme le représentant de l’aspiration populaire à la démocratie. En abandonnant la référence à la constitution, il n’est plus qu’un pion parmi d’autres. C’est une excellente nouvelle que la supercherie soit éventée. Mais tout est à refaire et c’est la nouvelle séquence.