chroniques
Le terrorisme façonne le monde
En 2017, l’Allemagne, la France et d’autres pays tiendront des élections où la sécurité est déjà au centre de la campagne. Le bilan économique, par ailleurs bon, d’Angela Merkel, n’est pas au centre du débat
Le terrorisme n’est plus juste un problème parmi d’autres, il impacte lourdement les politiques publiques partout dans le monde. Au nom de la lutte anti-terroriste, des changements géostratégiques s’opèrent sous nos yeux. La percée de l’Iran dans les pays voisins était inimaginable il y a quelques années. C’est sous couvert de cette lutte que la Russie reprend pied au Moyen-Orient.
À l’intérieur même des pays, l’impact du terrorisme, de l’effort sécuritaire est devenu primordial. En 2017, l’Allemagne, la France et d’autres pays tiendront des élections où la sécurité est déjà au centre de la campagne. Le bilan économique, par ailleurs bon, d’Angela Merkel, n’est pas au centre du débat. C’est sa gestion du phénomène migratoire, accusée d’augmenter les risques d’attentats, qui est pointée du doigt. En France, tous les candidats font de la surenchère, certains assument clairement leur islamophobie. Sur ce point, il est à craindre que les incompréhensions demeurent et laissent des traces.
Pourtant, l’on sait que l’aspect sécuritaire est loin d’être suffisant. Même si les différentes coalitions réussissent à détruire les foyers de Daech en Syrie, en Irak et en Libye, l’idéologie restera, maintenant le risque. L’on sait aussi que le danger, pour chaque pays, provient de ses propres citoyens en général. C’est une question d’une grande complexité qui ne peut être résolue par des propositions comme la fermeture des frontières, ce qui viderait l’Europe de tout sens, ou l’interdiction du voile à l’université. Au Maroc, la stratégie préventive sécuritaire a permis de démanteler des dizaines de cellules en deux ans et d’éviter donc des attentats en nombre. On ne peut que s’en féliciter. Mais on doit, en même temps, questionner la société qui produit autant d’aspirants terroristes.
La communauté internationale, qui sait maintenant qu’elle devra vivre, pendant longtemps, avec l’angoisse, ne peut plus se permettre de balayer d’un revers de main la question de l’origine du terrorisme. Il ne s’agit pas de le justifier, mais d’en comprendre les recrutements, les ressorts pour mieux le combattre. La sphère arabo-musulmane, première victime du terrorisme, ne peut pas faire l’économie d’une véritable mise à niveau du champ religieux. C’est la permissivité vis-à-vis des discours régressifs, qui offre au terrorisme un environnement inclusif. Ce combat de longue haleine est nécessaire pour assécher les sources du mal.
Les pays occidentaux ont de vrais problèmes d’intégration. Le drame serait de mettre ces difficultés sur le compte des différences culturelles. Cette attitude est stigmatisante, parce qu’essentialiste. Elle empêche surtout de voir et de régler les vrais problèmes qui sont d’ordre socio-économique.
Les inégalités, quand elles sont ressenties comme des injustices, sont un moteur pour tous les fanatismes. L’histoire de l’humanité l’atteste. Si les différentes guerres du 21e siècle n’ont fait que renforcer le terrorisme, c’est parce que le combat contre ses sources théoriques, mais aussi contre les sentiments d’injustice, n’a pas été mené.
La guerre contre le terrorisme doit embrasser le culturel, le politique, mais aussi les questions sociales et économiques. Ce n’est que par cette réponse globale que l’on vaincra le monstre.