chroniques
Les frontières avec le Maroc agitent Alger
Ouverture des frontières maroco-algériennes : Les généraux algériens ne comprenaient pas que des millions de touristes algériens se déversaient sur le Maroc, tandis que leur pays, qui ne tenait pas la comparaison, n’attirait que très peu de Marocains
La presse algérienne, du moins en partie, celle qui a fait de l’injure au Maroc son fonds de commerce, est en émoi. Il y a de quoi. Lakhdar Ibrahimi, personnalité algérienne d’envergure, plusieurs fois ambassadeur, autant comme représentant de la Ligue Arabe et de l’ONU dans plusieurs régions et conflits, ancien ministre des Affaires étrangères est revenu à la charge sur ce qu’il a soulevé officiellement il y a une année lors d’une rencontre avec le président de la république, Abdelaziz Bouteflika : la nécessité de rouvrir les frontières avec le Maroc. Le RCD (Rassemblement pour la Culture et la Démocratie) de Saïd Saâdi auquel a succédé Mohcine Belabbas, fidèle à sa position de principe revient dans le même sens sur le sujet. Le site Algérie 360 qui rapporte la position, en signalant aussi qu’elle a été celle du FFS de Hussein Aït Ahmed, décédé en 2015, indique « l’existence d’une initiative «maghrébine» destinée à faire aboutir le projet. Récemment, Mohcine Belabbas a annoncé la création d’une sorte de coordination entre son parti et des mouvements tunisiens et marocains siégeant au parlement pour faire pression sur les «responsables de cette situation». Ce qui horripile le site c’est que « le RCD accuse lui aussi directement les dirigeants algériens de cette situation et annonce que des contacts vont être entrepris avec des partis algériens en vue de faire avancer la question. » Il ajoute qu’en 2013, le MSP [Mouvement de la société pour la Paix, d’obédience islamiste - NDLR] plaidait dans le même sens [et n’est pas] seul. Des personnalités comme Halim Benatallah, ancien secrétaire d’État chargé de la communauté nationale à l’étranger » adhère à cette dynamique.
Sans surprise, Alger ne l’entend pas de cette oreille, pas plus qu’il n’est réceptif quand le marocain Abdelakhalek Al Khayam, patron du Bureau Central des Investigations Judiciaires (BCIJ) l’invite à laisser de côté les questions politiques pour s’atteler à ce qui peut se faire en commun dans le domaine sécuritaire. Bien pire, là où l’armée algérienne devrait percevoir un geste de bonne volonté pour faire face à la menace terroriste qui touche tout le monde, l’Algérie n’y voit qu’une mise en accusation de sa politique et une campagne tendant à lui mettre sur le dos les malheurs de la région. A peu près la même logique préside à sa réaction à la demande de la réouverture des frontières dont la fermeture, croit-on à Alger, a jeté dans la misère les zones marocaines frontalières. Il est établi que la Maroc, qui ne s’y dérobe pas, avait imposé le visa aux ressortissants algériens suite à l’attaque meurtrière d’Atlas Asni en 1994 par des jeunes d’origines algériennes, soupçonnant la sécurité militaire de l’Algérie de ne pas être étrangère à cette manipulation. Mais la riposte d’Alger ne s’est pas faite selon les règles de la réciprocité. C’était, disait-il, une réaction de fierté face à ce qu’il a voulu considéré comme une humiliation. La vérité est qu’en fermant les frontières, il ne faisait que mettre en œuvre une idée qui a commencé à germer dès le réchauffement des relations entre les deux pays à partir de 1988. Les généraux algériens ne comprenaient pas que des millions de touristes algériens se déversaient sur le Maroc, tandis que leur pays, qui ne tenait pas la comparaison, n’attirait que très peu de Marocains. Concomitamment, l’Algérie, après le coup d’Etat sur les urnes qui avaient donné la majorité aux islamistes du FIS, plongeait dans la guerre civile. La peur paranoïaque qu’en représailles à sa manipulation du Polisario, le Royaume ne devienne une arrière base pour l’opposition armée, a été prétexte et un cache misère à l’échec patent de ses choix, auquel le Maroc servait de révélateur.