chroniques
Les miroirs déformants
Dans le circuit des miroirs déformant, des gros qui n'étaient pas suffisamment gros et des chétifs qui réfléchissaient une carrure de densité qu'ils n'avaient pas ou ne pouvaient pas avoir
A Paris au jardin d'acclimatation, le pavillon des miroirs a cette particularité de réfléchir en déformant visages et corps des visiteurs.
En même temps où je me prêtais à cet exercice pour rire sans vergogne de moi-même, je me suis laissé aller à imaginer les différentes configurations que pouvaient représenter notre personnel politique au regard du blocage institutionnel que connaît notre pays depuis les élections législatives du 7 octobre dernier.
Dans ce circuit je me représentais des gros qui n'étaient pas suffisamment gros et des chétifs qui réfléchissaient une carrure de densité qu'ils n'avaient pas ou ne pouvaient pas avoir. En même temps que des petits se faisaient grands lorsque les grands étaient atteints de rachitisme. Sans oublier ceux qui n'arrivaient pas à donner corps à leurs propres existences.
Je passe bien entendu sur la moue, grimace et rictus qui sied à chacun d'entre eux, ils se reconnaîtront d'eux-mêmes. Ils ont l'habitude de se côtoyer en s'embrassant ou en se chamaillant, de s'accoupler, de se découpler sans crier gare et de s'ignorer voire même de se détester.
Le pire c'est de les imaginer autour d'une table dans un conseil de gouvernement, travaillant ensemble, avec le souci de compter sur notre amnésie collective pour nous faire passer les grands principes de la solidarité gouvernementale alors que tout un chacun ne rêve que du moment où il mettra par terre son partenaire.
La suspicion et la rancune emporteront tôt ou tard ce gouvernement car personne n'aura oublié cette phase a-institutionnelle qui pousse à s'éloigner voire à ignorer la politique d'une façon générale.
Au niveau du parlement, l'orchestration cacophonique de la gestion parlementaire sera un exercice haut en couleurs et en débordements systématiques : le ministre chargé des relations avec le parlement, à titre d'exemple, sera en minorité numérique autant de fois que la majorité qui a porté le président de la Chambre des représentants ne sera pas du même avis que le gouvernement. La production législative sera en rupture avec l'esprit du rationalisme parlementaire et accusera des retards et des dysfonctionnements institutionnels. Quant au contrôle du gouvernement, les séances des questions orales rappelleront le cirque invoqué par SM Hassan II à l'adresse des parlementaires! Le jeu des miroirs ne fait que commencer.