chroniques
Lettre ouverte à Fouzi Lekjaa : n’est-il pas temps de changer de logiciel ? Par Abdelahad Idrissi Kaitouni
Le Souverain à l’Académie Mohammed VI de Football inaugurée. En mars 2010
Avons-nous vraiment une équipe nationale ? De quelle équipe nationale pouvons-nous nous prévaloir alors que nous avons tout juste réussi à faire un collectif de joueurs venant d’un peu partout, qui n’ont de marocain que la carte nationale des parents ou d’un des deux parents ?
Loin de moi l’idée de blesser l’orgueil de ces braves garçons qui ont hissé haut le drapeau marocain (voir en bas du texte la Nota Bene)
La CAN nous réussissait mieux quand l’équipe était constituée essentiellement par joueurs locaux. Je ne ferai pas injure aux joueurs actuels en mettant en doute leur marocanité et leur patriotisme. La cohésion ne s’achète pas en allant faire emplette dans les championnats européens.
Fouzi Lekjaa a infiniment mieux réussi à construire la magnifique équipe de Berkane. Il ne pourra se prévaloir du même succès à la tête de la Fédération que si et seulement si, il arrive à rendre notre championnat attractif avec des compétitions plaisantes à voir. Je conviens que ce n’est pas si facile, mais le Maroc a fait une bonne partie du chemin en dotant le pays d’un bon système de la formation dans le domaine. L’Académie Mohammed VI de Football en est le fleuron et que ce soit au niveau de l’institut de formation de la Maamora, ou au niveau des centres créés au Maroc par de grands clubs européens de football, vous avez là des pépinières pour alimenter les équipes locales.
Il reste le plus ardu : avoir des équipes gérées par des professionnels disposant de moyens conséquents. La solution est entre vos mains. En tant que membre du Gouvernement, et qui plus est, en charge des Finances, il vous appartient de promulguer des incitations fiscales pour que les majors de notre économie, élaborent des modèles économiques suffisamment attractifs pour engager des investissements conséquents.
Mustapha Terrab, toujours dans l’innovation n’a pas attendu pour décider d’engager près de 400 millions de Dirhams dans…le football ! Pourquoi pas un Othman Benjelloun pour faire du MAS de Fès un Réal de Madrid, ou un Aziz Akhannouch pour faire du Hassania d’Agadir le FC Barcelone du Maroc ?
C’est un pari fou, mais vous êtes la personne idoine pour le réussir. En vous nommant à la tête du comité d’organisation de la coupe du monde de 2030, Sa Majesté vous a fait confiance pour repenser tout le football dans notre pays.
Alors à la guerre comme à la guerre. Changez de logiciel et cessez de voir du côté de l’Europe. C’est une solution de facilité qui vient de montrer ses limites en Côte d’Ivoire.
Vous serez face à des puristes qui vous diront que cet argent servirait mieux ailleurs. Vrai ! Sauf qu’il y a une réalité, c’est que le football est devenu un phénomène de société, tellement ancré dans le quotidien qu’on voit difficilement comment les gens pourraient s’en passer comme d’ailleurs ils n’arrivent pas à se passer de « futilités », comme la télévision, le smartphone et autres gadgets.
On ne vit pas de ces objets-là, comme on ne va pas vivre de football. C’est heureusement ou malheureusement un cataplasme posé sur les blessures infligées par la vie aux plus déshérités. On n’a pas trouvé mieux, aujourd’hui pour leur permettre de s’évader de leur condition. Alors faisons avec !
NB : Aux donneurs de leçons qui se prennent pour plus marocains que les Marocains, je rappelle que le sens de la marocanité et du patriotisme n’est pas gravé dans le marbre peut différer d’un individu à un autre.
Je le vis dans la chair de ma chair puisque mes deux garçons ont quitté le pays à l’âge de 17 ans et ont fait souche à l’étranger. Ils ont beau être bardés de diplômés, avec des situations enviables, il n’empêche que j’éprouve une profonde frustration quant à la « pureté » de leur marocanité. Ce que je dis là de mes proches enfants, c’est ce que je pense de nos braves footballeurs.
Je comprends la frustration de certains chevaux de retour. Ils cherchent à continuer à exister médiatiquement en ressassant certaines rengaines. Un retour mirifique, et ne s’en rendent pas compte. C’est juste pathétique !
Ifrane le 1er Février 2024