L’opération ''Toufane Al aksa '' et ses implications – Par Mohamed Chraibi

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Probablement, aucune terre n'a jamais été aussi convoitée. En trois millénaires, la Palestine est passée de conquérant à conquérant, appartenant à différentes civilisations, chacun y laissant les traces profondes, sinon indélébiles, de son identité culturelle. A une époque, la nôtre, où chaque pays cherche à affirmer son identité́ (basée sur l'histoire et la démographie, ou fantasmée) quelle identité assigner à la Palestine ?

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Dans le conflit israélo-palestinien une puissance nucléaire en passe de devenir théocratie est opposée à une théocratie affirmée en passe de devenir puissance nucléaire. 

Il est permis de supposer que ce n’est pas par hasard que le Hamas, qui a révélé sa capacité à planifier une action d’une audace sans précédent dans l’histoire du conflit qui l’oppose, depuis près de 40 ans à Israël, a baptisé son opération du 7 octobre 2024 « Toufane Al Aksa » (Déluge d'Al Aksa du nom de la seconde mosquée construite par les musulmans à Jérusalem en 715). Ce n’est sûrement pas pour éviter le ridicule de l’affubler de quelque slogan aussi stupide que « bronze ramolli », « opération secrète », « agresseurs de nos sœurs », « passoire du Sud » (1). Pour comprendre le sens de cette appellation, une brève incursion dans l’histoire de la Palestine s’impose.

 Abdelmalik Ibn Marwan, cinquième calife Omeyyade, fait construire à Jérusalem, sur le Mont du Temple, le « Dôme du Rocher », improprement appelé « mosquée d’Omar ». Le successeur de Abdelmalik fait construire en 715, au sud du Dôme, la mosquée El Aqsa. Ces deux temples et l'espace qui les sépare dit « Esplanade des mosquées » est sanctifié sous le nom de « Al Haram  Ashsharif », troisième lieu saint de l’Islam après la Mecque et Médine, situé dans Al Quds, Jérusalem, « la ville sainte », que musulmans et croisés chrétiens se disputent pendant des siècles à partir de 1099  jusqu’à la victoire ottomane de 1516. Soliman dit le magnifique l’entoure de puissants remparts en 1540. En dépit de la tentative de Napoléon de s’emparer de la Palestine (siège d’Acre) en 1800 et de celle de l’Egypte des Mamelouk en 1840, la Palestine restera province ottomane jusqu’à la chute de l’Empire à la fin de la première guerre mondiale. 

Le Dôme du Rocher,  première œuvre architecturale islamique, est  construit sur l’emplacement même du « Second Temple » Juif, lui même construit vers la fin du VIème siècle avant Jésus à l’emplacement du temple dit de Salomon (cité dans le Qoran et construit selon la Bible au Xème siècle avant notre ère)  détruit par les Babyloniens en 586 avant Jésus. La valeur symbolique extraordinaire accordée par les Juifs à cet emplacement où ils rêvent de construire le  troisième temple n’a d’égale que la valeur symbolique tout aussi extraordinaire que les musulmans accordent au Dôme du Rocher sous lequel la tradition musulmane situe l'endroit depuis lequel le prophète Mohammed  s'est élevé au ciel pour y rencontrer Dieu (2). Et la tradition juive reconnaît dans ce même rocher le mont Moriah, le massif montagneux sur lequel Abraham était monté avec son fils Isaac (Ismaël pour les musulmans) pour l'offrir à Dieu en sacrifice. Il est important de souligner à ce propos que les premiers affrontements sanglants entre Juifs et Palestiniens se sont déroulés sur ces lieux mêmes, en 1928 lors de la célébration du Yom Kippour et en 1929 lors de la commémoration de la destruction du second temple par les Romains en 70. Au passage, on pourrait voir dans ce conflit, où la puissance des symboles actionne l’histoire, un démenti au matérialisme historique de Marx. 

De la conquête de la Palestine par les Juifs sur les Cananéens vers le XIème siècle avant notre ère, à nos jours, cette terre a été occupée par les Juifs, les  Grecs, les Romains, les Byzantins, les Arabes, les Turcs et enfin les Juifs. Même si au sein de l’empire ottoman, la Palestine était considérée comme province frondeuse (rébellion de Naplouse en 1859) rien ne la distinguait des autres provinces arabes de l’empire sinon la dispense du service militaire accordée à ses habitants pour diverses raisons et surtout l’immense privilège d’abriter la Ville Sainte. 

Probablement, aucune terre n'a jamais été aussi convoitée que celle-ci. En trois millénaires, la Palestine est passée de conquérant à conquérant, appartenant à différentes civilisations, chacun y laissant les traces profondes, sinon indélébiles, de son identité culturelle. A une époque, la nôtre, où chaque pays cherche à affirmer son identité́ (basée sur l'histoire et la démographie, ou fantasmée) quelle identité assigner à la Palestine ? Qui fut juive, païenne, chrétienne, musulmane, et judéo-musulmane pour finir. Identité plurielle, s'il en est, pour dire les choses en langage moderne.

Les Chrétiens, qui ont des droits à faire valoir sur l’identité culturelle palestinienne (la Palestine, patrie du Christ où il est né, a été crucifié et enterré) ont préféré mettre en avant les droits des Juifs en s'engageant (par la voix de la première puissance chrétienne du début du XXème siècle, la Grande Bretagne) à établir en Palestine un « foyer pour les Juifs » (3). Coup de force que les Juifs ont transformé, par la force, en État d’Israël en 1948 qui dans sa déclaration d’indépendance garantit « l’égalité des droits de tous les citoyens sans distinction d'origine ou de religion ». Déclaration reniée en 2018 quand une loi fondamentale (à valeur constitutionnelle) proclame « Israël, Etat nation du peuple Juif".  

Cette prééminence auto-proclamée de l'identité juive de la Palestine donne-t-elle des droits sur cette terre aux Juifs du monde, sans aucun lien avec cette terre que la pratique de la même religion que celle qui fut, pendant un millénaire, celle de ses habitants ? Il est permis d’avoir, pour le moins, des doutes. D’autant plus que pour l’occuper ils en ont chassé les descendants probables des Juifs qui y étaient restés ou y sont retournés après l’exode de 70 (reprise de Jérusalem par les romains) et celui de 136 (défaite de la révolte de Bar Kochba). (4)

L’Histoire atteste que des juifs chassés de Judée en 136 sont revenus s’y installer, puis chassés à nouveau par les byzantins et retournés encore. Tels les Gaulois en Gaule romaine de la bande dessinée Astérix, les Juifs se sont montrés tout aussi têtus: Chassés par la porte ils reviennent par la fenêtre.  L’histoire atteste également que lors de la conquête arabe de la Palestine, fin du VIIème siècle, celle ci était peuplée de Juifs et de chrétiens dont certains se sont convertis à l’Islam et d’autres pas : En 1881, avant la première Aliah (grande vague d'immigration juive en Palestine), la composition de la population palestinienne est, selon les sources ottomanes (5)  la suivante : 405 000 musulmans, 45 000 chrétiens et 15 000 juifs sans compter 9 000 juifs qui détiennent une nationalité étrangère. Ces derniers sont, à l'évidence, des « pèlerins » venus s'installer en Palestine pour y pratiquer leur culte alors que les 15 000 juifs autochtones sont les résidus de la communauté juive originelle, accrochée à sa terre, et restés fidèles à leur religion. Quant aux musulmans, il s'agit très probablement, en grande partie du moins, des Juifs et leurs descendants convertis à l'islam au cours des onze siècles depuis l’invasion arabe. Ce sont, ceux-là mêmes, devenus 800 000, qui seront chassés de Palestine en quasi-totalité lors de la Nakba de 1948 pour être remplacés par des juifs racolés des quatre coins du monde par la propagande sioniste (6).  En 1908, les chiffres émanant des mêmes sources donnent : 540 000 musulmans, 70 000 chrétiens et 30 000 juifs autochtones. En 27 ans, la population juive autochtone a doublé alors que celles des musulmans et des chrétiens ont crû de 35% et 56% respectivement. Soit des taux de croissance annuels de 2,9 % pour les Juifs, 1,6% pour les Chrétiens et 1% pour les Musulmans. Des conditions d'existence plus favorables d'une communauté à l'autre expliquent en partie cette divergence des taux mais attestent, surtout, de la grande résilience des Juifs de l’époque. CQFD : Les Palestiniens, pour la plupart, ne sont autres que les descendants des Juifs de l'antique Judée.

Dans le conflit qui oppose, depuis un siècle, Israël aux Palestiniens, le nœud gordien du contentieux est Jérusalem dont nous avons évoqué ci-dessus la puissante valeur symbolique pour les Juifs comme pour les Musulmans. Toute solution crédible de ce conflit devrait, en priorité, régler le statut de cette ville à laquelle ni les Juifs ni les Musulmans ne renonceront jamais, quels que soient les arrangements convenus pour les autres aspects de ce conflit. Je dis bien « Musulmans » et non « Arabes ». Ce qui explique l’acharnement de la dernière théocratie du monde (7), l’Iran, dans la guerre destinée à empêcher une autre théocratie en devenir, Israël (8), de judaïser Jérusalem. 

L’Occident mise sur le ralliement des régimes arabes à « Israël, Etat nation du peuple Juif", pour régler ce conflit. Grave erreur, car combien même  certains régimes arabes trouvent un compromis avec Israël, l’Iran ne lâchera pas le combat pour un état palestinien ayant Jérusalem pour Capitale. La solution du problème, si elle existe, se trouve à Téhéran et non à Ryad comme l'a montré la parade de missiles et de drones iraniens dans le ciel d’Israël, le 13 avril dernier (i). Elle est d'autant plus urgente que le conflit oppose une puissance nucléaire en passe de devenir théocratie  à une théocratie en passe de devenir puissance nucléaire. 

1-)Allusion aux noms donnés aux opérations Israël contre Gaza: Plomb durci, Divulgation, Protection de nos frères,  Bouclier du Nord…Lors d’un séjour à Jérusalem en 1996, 

2-) dans le cadre de la mise en œuvre des Accords d Oslo, j'ai pu admirer la trace de la plante du pied laissée par le prophète sur ce rocher .

  1. ) Déclaration Balfour 1917

4-) Voir  dans Quid.ma la chronique « les tunnels de Gaza"

5-) Citées par J.P. Filiu dans son livre « comment la Palestine fut perdue… » p.202

6-) Ayman Odeh, député palestinien à la Knesset rétorque à Lieberman chef de la diplomatie israélienne qui lui reproche de ne pas vivre en territoire palestinien plutôt qu'en Israël : «  je suis bien dans mon pays natal, je fais partie du paysage, je lui ressemble ». Lieberman immigré de Moldavie en 1978, en reste coi, (J.P. Filiu ouvrage déjà cité p. 309)

7-) L'Arabie Saoudite est, depuis la prise de pouvoir de facto par Mohammed Ben Salman, une monarchie comme la Jordanie et le Maroc, 

8-) Pente sur laquelle se trouve entraîné Israël avec le pouvoir grandissant des partis religieux dans la coalition gouvernementale.

9-) Voir dans Quid.ma « que s'est-il passé dans le ciel d’Israël … »

Lire aussi : Que s’est il passé, dans la nuit du samedi 13 avril dans le ciel d'Israël ? – Par Mohamed Chraïbi