chroniques
Marrakech, plus belle que jamais
Le leadership marocain s’explique par son ambition d’atteindre en 2030 la couverture de 52 % de ses besoins en électricité. En même temps qu’il cible à l’horizon l’exportation de l’énergie renouvelable, sous tendue par une coproduction dans le cadre de la coopération Sud-Sud pour imprimer plus de concret à la politique du souverain en direction de l’Afrique subsaharienne
C’est un secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, vous vous en souvenez, tout sourire qui reçoit, ce mardi 15 novembre, la presse dans la zone bleue de la COP 22, celle que le Roi vert a baptisé le sommet de l’action. Il ne tarit pas d’éloges sur Mohammed VI dont il ne pouvait que saluer le leadership dans ce domaine. A l’ouverture de la conférence des parties, son dernier discours en tant que secrétaire général de l’ONU, souligne-t-il, mais il en prononcera un autre au sommet africain de l’action, Ban Ki-moon en rajoute une couche comme s’il voulait s’excuser, je dis bien s’excuser et non pas présenter ses excuses pour tout le mal qu’il a essayé de faire au Maroc. Je ne lis pas dans ses pensées, mais je présume et j’ai envie de présumer. L’ambiance studieuse en même temps que festive de cette COP 22, en dépit des nuages que fait planer sur l’écologie mondiale l’élection de Trump, m’incite à l’optimisme. Le site de la conférence, Bab Ighli, deux vastes espaces sur 25hectares qui ont accueilli sur quinze jours, sans aucun manquement au cahier des charges onusien, 30 mille personnes pour l’espace vert, 20 mille pour le bleu, renvoie à une horloge métronomique. A l’exception, peut-être, de l’Afrique du Sud, seul Marrakech sur le continent africain pouvait accueillir, héberger, nourrir, transporter dans une sécurité et quiétude totales autant de monde en même temps. La deuxième semaine a commencé mardi 15 novembre par le sommet des chefs d’Etat, de gouvernement ou leurs représentants.197 pays en tout. Elle s’est poursuivie le lendemain par le sommet africain de l’action, le clou du grand show pour le Maroc et son souverain. Histoire de rappeler au monde que le continent qui a le moins pollué, et de loin, qui en a le plus souffert, est en droit de recevoir le plus en matière de compensation.
Le leadership marocain qui s’est manifesté au cours de ce sommet, s’explique, entre autres, par son ambition d’atteindre en 2030 la couverture de 52 % de ses besoins en électricité. En même temps qu’il cible à l’horizon l’exportation de l’énergie renouvelable, sous tendue par une coproduction dans le cadre de la coopération Sud-Sud pour imprimer plus de concret à la politique du Roi Mohammed VI en direction de l’Afrique subsaharienne. C’est un nouveau modèle de développement postmoderne qui se met en place. Un envoyé spécial de l’agence française AFP, l’a bien compris en signalant que le Maroc quête à passer « directement à un modèle de développement durable, sans passer par une industrialisation à outrance, sur le modèle du "leapfrogging", ou théorie du saute-mouton. Laissant derrière lui les énergies fossiles, le pays entrerait directement dans l'ère solaire ou éolienne, ou en tout cas vers un mixte énergétique valorisant les énergies renouvelables. » La dépêche est un hymne aux efforts du Royaume pour la mise en œuvre d’un politique verte. Mais un journaliste français reste un journaliste français et ne peut s’empêcher de mettre son grain de CO2. Une fois terminé l’éloge, il faut bien chuter en noircissant le tableau: « Embouteillages et gaz d'échappement, écrit-il, n'en sautent pas moins au visage dans la célèbre Cité ocre et sonnent comme un dur rappel à la réalité pour les participants à la COP22, noyés sous la pollution automobile dès qu'ils mettent un pied en ville en dehors du site de la conférence. » Comme si au stade où nous en sommes, Marrakech de la COP 22, plus belle que jamais, était une ville plus polluée et plus embouteillée que le Paris de la COP 21.