Notre ami le Président - Par Seddik Maaninou

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M. Sarkozy a exprimé son admiration pour le Roi Mohammed VI et ses initiatives, a confirmé son affection pour le Maroc et son soutien continu pour la marocanité du Sahara, ce qui a été salué, comme il se doit, par des applaudissements. Et sans mentionner le nom de l'Algérie, il a critiqué la fermeture des frontières et le repli sur soi, car cela n'est pas bénéfique pour le développement

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La conférence se jouait, pour ainsi dire, ‘’à guichets fermés’’. De nombreux hommes d’affaires et des têtes d’affiche des élites francophones (francophiles ?) avaient fait le déplacement et attendaient patiemment l'arrivée de l’ancien président français Nicolas Sarkozy, venu présenter son nouveau livre, Le Temps des combats (fayard). Mohamed Benamour, président du think tank Conseil du Développement et de la solidarité, maitre des céans et organisateur de l’événement, a pris la parole et en bon hôte a lancé : « Vous êtes un ami du Maroc et des Marocains... et votre présence a été accompagnée de pluies... », une gentillesse très marocaine pour lui dire que « ses pas étaient de bon augure ». Et pour finir, il a rappelé à l’ancien président français qu’il était accueilli dans un hôtel construit en 1912, faisant certainement référence à l’année qui a vu l’instauration au Maroc du protectorat français.

Réponse de M. Sarkozy : « Lorsque j'étais président de la France, j'ai présidé plusieurs réunions similaires et il ne pleuvait pas, mais là quand je suis arrivé ici, les choses ont changé.» La salle a ri, allez savoir pourquoi, et certains ont même applaudi. Puis malicieusement, il a ajouté : « Je vois notre ambassadeur au Maroc, c'est un bon ambassadeur, il a travaillé à mes côtés... tous ceux qui ont travaillé avec moi ont réussi... ». Pas très modeste, certes, mais bien senti pour aiguiller le message à double coup, et si par inadvertance quelqu’un n’aurait pas saisi, il a précisé : « Que celui qui veut comprendre comprenne, et pour ceux qui ne veulent pas comprendre, tant pis ... il y a un changement pour le mieux ». Il faisait fort probablement allusion à l'échec de sa prédécesseure française, Hélène Le Gal, qui avant de venir au Maroc a travaillé comme conseillère Afrique à l’Elysée avec le président socialiste François Hollande, la bête noire de Nicolas Sarkozy, avant d’être nommée par son successeur, Emmanuel Macron, à Rabat.

Les problèmes commencent

M. Banamour a ensuite posé à la forme affirmative la question incontournable : « Depuis longtemps, aucun président de la République française n'a visité notre pays »... Sans attendre, M. Sarkozy a répliqué en riant : « Comme vous pouvez le voir, les problèmes ont commencé »... Encore une fois, la salle a ri... Mais Sarkozy a ajouté, philosophant : « Ce qui importe n'est pas ce que vous dites, mais ce que vous faites... L'amour est dans le cœur et la décision dans l'esprit ».

Certaines questions étaient longues, mais les réponses étaient précises et pleines de messages. M. Sarkozy a exprimé son admiration pour le Roi Mohammed VI et ses initiatives, a confirmé son affection pour le Maroc et son soutien continu pour la marocanité du Sahara, ce qui a été salué, comme il se doit, par des applaudissements. Et sans mentionner le nom de l'Algérie, il a critiqué la fermeture des frontières et le repli sur soi, car cela n'est pas bénéfique pour le développement. Puis il a parlé de sa conception de la coopération entre le nord et le sud de la Méditerranée, soulignant que « La distance entre les deux rives ne dépasse pas quelques centaines de kilomètres [ 14 km entre le Maroc et l’Espagne NDLR], tandis que les océans qui nous séparent de l'Asie et de l'Amérique s'étendent sur des milliers de kilomètres.» Et d’ajouter que la Mare Nostrum « est notre mère à tous... C'est la mer qui nous unit. ».

La force de la démographie

Dans une sortie inattendue, Sarkozy a appelé à ouvrir le Conseil de Sécurité à de nouveaux pays. : « Lors de sa fondation, la population mondiale était, a-t-il expliqué, de deux milliards et maintenant elle dépasse sept milliards... Il est donc illogique de ne pas élargir le Conseil et il est également illogique de ne pas inclure des représentants de l'Inde, de l'Afrique ou du monde islamique. Car ces pays abritent des milliards de personnes ». Il a ensuite exprimé son regret de l'absence d'une organisation internationale s'occupant de la démographie : « Il y a des continents dont la population double et d'autres dont la population est en déclin », précisant que c’est « la démographie qui façonne l'histoire et non l'histoire qui façonne la démographie ». Sur sa lancée, il a évoqué le changement profond dans les rapports de force mondiaux en rappelant avoir défendu l'adhésion de l'Inde, du Mexique, du Brésil et de l'Afrique du Sud au groupe du G8, tandis qu’aujourd’hui, ces pays au sein du BRICS refusent d'accepter l'Occident.

Gaza, l’éludé

La salle attendait la question du moment sur les événements de Gaza, et en effet, elle a fini par arriver. Et pour la première fois, on a vu M. Sarkozy tendu, son sourire a subitement disparu. Il a exprimé toute la tristesse qu'il a ressentie après l'attaque du 7 octobre et ce qui est arrivé aux enfants et aux femmes, et a appelé à l'établissement de deux États. Mais pas une seule fois, il n'a mentionné Gaza ni dit une quelconque empathie pour ses habitants assiégés, bombardés nuit et jour. Un murmure de mécontentement a parcouru la salle, puis on est passé à autre chose.

J'aime la vie

Il faut toutefois admettre que la rencontre a permis de mettre en évidence, une fois encore, la culture politique élevée de Sarkozy qui a conclu son intervention par un « J'aime l'aventure parce que j'aime la vie »." A travers ses mimiques et les sourires qui ont émaillé ses propos, il semblait chercher à rapprocher les points de vue entre la France et le Maroc. Au point qu’on pouvait le voir en messager du Palais de l'Élysée au Palais royal. C'est en tout cas ce qui s’est murmuré alors que nous quittions la salle, chacun tenant dans sa main un livre de M. Sarkozy, cadeau du Conseil du Développement et de la Coopération. Un ami me susurra à l’oreille : « Il semble que le Conseil a obtenu le feu vert pour organiser cette rencontre, qui refléterait le désir de panser les blessures.

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