Nouvel ordre mondial ou simples ajustements ? – Par Samir Belahsen

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Les rencontres se multiplient entre les pays du Nord-est asiatique et les Etats Unis, les pays du Nord-est asiatique et la Chine, la Chine et les Etats Unis. Est-ce à dire que c’est le débit de l’esquisse d’un nouvel ordre mondial multilatéral

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Le Maroc et les BRICS ? Par Dr Samir Belahsen  

« Peu importe qu'un chat soit blanc ou noir, s'il attrape la souris, c'est un bon chat »

 Deng Xiaoping en 1961.

« Nous n’avons pas d’alliés éternels, et pas d’ennemi perpétuels. Nos intérêts sont éternels et perpétuels, c’est de notre devoir de les suivre. » 

Henry John Temple, Lord Palmerston

Ces deux derniers mois ont connu trois grandes réunions internationales : le sommet des BRICS en Afrique du Sud, celui du G20 à New Delhi et l’Assemblée générale des Nations unies, à New York.

Et puis Mardi, Pékin, Séoul et Tokyo ont convenu d'organiser un sommet des dirigeants des trois pays le plus tôt possible afin, nous dit-on, d'apaiser les inquiétudes de la Chine vis-à-vis de l'approfondissement des liens de sécurité entre le Japon, la Corée du Sud et les États-Unis.

Cette réunion intervient quelques semaines après le sommet entre les États-Unis, le Japon et la République de Corée à Camp David, qui traduit la volonté de Washington États-Unis d’œuvrer pour le rapprochement entre Séoul et Tokyo, au passif historique lourd. La Chine avait exprimé des protestations solennelles concernant la déclaration publiée par Washington, Séoul et Tokyo à l’issue du sommet dans laquelle ils s’opposaient au « comportement dangereux et agressif » de Pékin dans la région de l’Asie-Pacifique. Pour Pékin, ils se sont immiscés dans les affaires intérieures de la Chine et ont délibérément semé la discorde entre la Chine et ses voisins.

La troïka qui serait en cours de constitution par le Japon, la Chine et la Corée du Sud représenterait une part importante de l'économie mondiale : 20% de la population et 25% du PIB. En raison de leur taille économique et de leur influence, ces pays ont le potentiel de modifier, ou du moins d’influer les rapports de force géopolitiques.

Si la troïka parvient à intensifier sa coopération et à renforcer ses relations économiques, cela pourrait renforcer son influence et son poids au niveau mondial. Une coopération accrue entre ces pays pourrait conduire à la création de nouvelles institutions économiques régionales qui rivaliseraient avec les institutions existantes, telles que le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque mondiale.

Cette troïka du nord-est Asiatique a également le potentiel devenir un acteur clé dans les négociations commerciales internationales. Si ces pays parviennent à développer une position commune sur les questions commerciales et à coordonner leurs politiques, cela leur donnerait une plus grande influence lors des pourparlers internationaux. Ils pourraient faire front commun face à d'autres puissances économiques, telles que les États-Unis ou l'Union européenne

A l’intérieur de leurs clans respectifs, le fantôme de la troïka pourrait être utile, la Chine se présente au BRICS+ comme une puissance qui a des options. La Russie avec son dream Eurasiatique et sa guerre qui s’enlise devrait se méfier de ce chat qui pourrait attraper des souris.

La troïka pourrait également jouer un rôle important dans la résolution des conflits géopolitiques et des tensions régionales en Asie de l'Est. En travaillant ensemble, ces pays pourraient contribuer à apaiser les tensions et à faciliter le dialogue entre différentes parties. Cela pourrait aider à maintenir la stabilité et à éviter des escalades militaires potentiellement destructrices.

Il reste que la collaboration entre ces pays est complexe et comprend également des différends historiques et des rivalités qui durent... Les revendications territoriales, les différends commerciaux et les tensions historiques peuvent entraver leur coopération. Il faut plus qu’un sommet pour les dépasser.

N’oublions pas le poids des différends diplomatiques et historiques entre Séoul et Tokyo et la colonisation japonaise de la péninsule coréenne, de 1910 à 1945.

En plus si Pékin est le premier partenaire commercial de Séoul, Pékin est aussi le principal soutien de la Pyongyang.

Je crois que malgré l’attrait et le potentiel de la troïka de changer les rapports de force géopolitiques, cela dépendra de nombreux facteurs, dont le moindre n’est pas les USA, et des efforts conjoints de ces pays pour surmonter leurs différences et leurs différends et travailler ensemble. 

Entre un Occident en net recul stratégique, économique et moral et un Sud qui cherche à s’affirmer, l’ordre mondial nécessitera une adaptation. Les réglages, ajustements et rééquilibrages seront inéluctables. 

Un nouvel ordre mondial est en train de s’esquisser, les pièces du jeu bougent de toute part et la Chine de tout son poids économique et démographique répète à satiété en direction des Américains que dans le monde il y a de l’espace pour tous, sans doute une manière détournée l’acceptation par Washington sa revendication d’une place à part entière au soleil. 

Ces derniers temps, les plus hauts responsables économiques et politiques ont multiplié les déplacements à Pékin dans un dialogue bilatéral sur la marche du monde. Toutes les occasions, G20, G7… sont mises à profit pour entretenir cet échange. Le dernier en date s’est déroulé le 17 septembre à Malte entre le conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden, Jake Sullivan, et le chef de la diplomatie chinoise, le très influent Wang Yi. 

A l’issue de cette rencontre, « les deux parties se sont engagées à maintenir ce canal de communication stratégique et à poursuivre les consultations à haut niveau dans les secteurs clés», a indiqué l’exécutif américain. Est-ce à dire que Washington s’apprête à s’accommoder d’un partage de la ‘’décision mondiale’’ avec Pékin et que derrière ces rencontres se profile le nouvel ordre multilatéral tant désiré par les pays du ‘’Sud global’’ ? C’est possible mais pas sûr. Il est fort probable aussi que si les Etats Unis donnent l’impression de lâcher du lest, c’est pour neutraliser autant que possible la Chine, le temps d’en finir avec la Russie afin de ne pas avoir à mener deux gigantesques fronts en même temps.