Quand Driss Lachgar redeviendra-t-il uspéiste ? - Par Bilal TALIDI

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Le parcours de Driss Lachgar surprend à plus d’un titre

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Le parcours de l’actuel Premier secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) est à la fois atypique et enveloppé de zones d’ombres, de confusions et d’interrogations.

L’homme a mené de nombreuses batailles, dont la plus âpre était d s’accaparer les destinées d’un parti historique, après que les grosses pointures aient quitté le navire, ne laissant à bord que les thuriféraires, ou d’irréductibles matelots nostalgiques qui, contre vents et marées, rêvent d’ajuster, un jour, le gouvernail et préciser le cap.

Son parcours surprend à plus d’un titre. A commencer par son rapport tumultueux et instable avec les islamistes, autrefois identifiés comme un ennemi idéologique avec lequel nul rapprochement ne serait possible, avant d’être, à d’autres occasions, courtisés pour adhérer à un « front élargi de défense de la démocratie ». Un front qui était voué alors à faire face, aux côtés des mêmes islamistes décriés la veille, à ce que les uspéistes qualifiaient de « nouveau venu », en référence au Parti authenticité et modernité (PAM), la formation politique destinée, disait-on, à tout moissonner sur son passage aux législatives de 2007. Il n’en fut rien.

La nomination de M. Lachgar, en janvier 2010 à un poste gouvernemental subalterne (ministre chargé des Relations avec le Parlement), lors du mini-remaniement du Cabinet Abbas El Fassi, a pourtant suffi pour le faire changer d’avis et de cape, au point que l’on s’est mis à se demander où s’arrêtait l’ambition personnelle et où commençait le projet de cette formation qui fut un grand parti. 

Il faut toutefois reconnaitre à l’intelligence politique de M. Lachgar de lui avoir permis de mobiliser toutes les composantes de l’Union socialiste et d’instrumentaliser son rapprochement avec les islamistes pour hériter d’un maroquin, petit mais un maroquin !

C’est ce qui fait que durant la formation du premier gouvernement de Abdalilah Benkirane, son comportement, venant d’un coureur de ministrabilité, a été incompréhensible. En apparence seulement. Le chef de file des socialistes n’avait-il pas rejeté l’adhésion à une alliance gouvernementale avec le Parti justice et développement (PJD), alors même qu’en cette phase historique charnière, le PJD aspirait ardemment à former un ‘’gouvernement fort’’, selon l’expression de M. Benkirane, adossé aux trois composantes de la Koutla démocratique (USFP, Parti de l’Istiqlal et Parti du progrès et du socialisme), qui serait en mesure de capitaliser en acquis politiques l’effervescence du Mouvement du 20 février.

Pour justifier son rejet d’adhésion au gouvernement Benkirane, M. Lachgar n’avait pas trouvé mieux que de déterrer son crédo initial : l’antagonisme idéologique entre les deux partis. Pourtant, cette considération ne lui a jamais effleuré l’esprit au moment où, juste après le scrutin de 2007, il renforçait son rapprochement avec le PJD et tissait avec le même parti des alliances, au lendemain des élections communales de 2009, pour constituer les bureaux des communes, des assemblées provinciales et préfectorales et des conseils des régions. La même considération était encore absente lorsqu’il a décidé de laisser son parti se joindre au Cabinet Saad Dine El Otmani (2017), sans égard aucun pour ce fameux infranchissable antagonisme idéologique.

L’épisode du blocage gouvernemental allait révéler au grand jour le désordre caractéristique du comportement politique de M. Lachgar. Alors qu’il a annoncé précipitamment son adhésion au cabinet Benkirane en formationn, il n’a cessé de mettre la pression sur le Chef du gouvernement désigné à annoncer, sans revenir à qui de droit, la composition de sa majorité (le PJD et les trois partis de la Koutla démocratique). Puis, sans préavis et sans raison apparente, M. Lachgar s’est joint au groupe des quatre (PAM, Union constitutionnelle et le Mouvement populaire) qui, mené par le Rassemblement national des indépendants (RNI), s’est imposé, comme un bloc de négociation de la formation du gouvernement opposé à l’alliance que M. Benkirane cherchait, soutenu par le même Driss Lachgar, avec les composantes de la Koutla.

Les milieux politiques, partisans en particulier, s’accordent à dire qu’il ne faut jamais se fier à ce que dit ou annonce l’actuel Premier secrétaire de l’USFP : il faudrait toujours s’interroger sur le scénario qui se cache derrière ses annonces.

Au cours de ces dernières semaines, une importante initiative politique semble avoir pris forme, à la faveur d’une coordination entre deux composantes de la Gauche, le PPS et l’USFP, sanctionnée par un « mémorandum d’action commune ». Le Secrétaire général du PPS, Nabil Benabdellah, a joué un rôle prépondérant pour élargir cette initiative au PJD, soutenu dans cet effort par certains dirigeants du parti islamiste, notamment Abdellah Bouanou, en vue de jeter les ponts entre la gauche parlementaire et les islamistes PJD. 

Mais M. Benkirane, échaudé, reste vigoureusement réfractaire à tout rapprochement avec les uspéistes sous la houlette de Driss Lachgar, tant il ne s’est pas encore rétabli du traumatisme du blocage provoqué par ce dernier, qu’il qualifie à tout bout de champ de « félon ».

Le premier secrétaire de l’USFP a vainement essayé d'adresser des messages, via plus d’un intermédiaire au sein du PJD comme du PPS, pour que M. Benkirane cesse de le malmener et de s’en prendre à sa personne. Un mur infranchissable semble toujours séparer les deux hommes !

Dernièrement, M. Lachgar s’est fendu d’une déclaration unilatérale dans laquelle il s’en prend énergiquement à ce qu’il considère soudainement comme une « hypertrophie du gouvernement aux dépens des institutions élues » et lance par la même occasion unilatéralement l’idée d’une motion de censure.

De tout autre chef de l’opposition, pareille attitude paraitrait tout-à-fait normale. Pas de Driss Lachgar avec lequel il faut toujours supposer une anguille sous roche, surtout si l’on n’a pas oublié, comme M. Benkirane, son rôle dans le blocage et dans le renforcement du RNI aux dépens du PJD, torpillant par la même occasion le Cabinet que le pjédiste en chef tentait péniblement à mettre sur pied.

Le timing et les termes de dernières déclarations trahissent le dessein du socialiste. Par sûr ni certain de convaincre le Chef de gouvernement d’une éventuelle association de l’USFP au remaniement ministériel probable, M. Lachgar, se rabat sur « l’hypertrophie du gouvernement sur les institutions élues » et la motion de censure, sans se soucier de l’avis des autres composantes de l’opposition, le PJD dont il cherche tant le « copinage », et sans respect pour ses récents engagements politiques avec le PPS. Tout à son ambition, M. Lachgar préfère naviguer à vue et en solitaire.

C’est sous l’impulsion de cette envie effrénée de ministrabilité que M. Lachgar préfère recourir dans ses déclarations à l’abstraction au détriment de la précision et de la clarté du propos : il critique davantage et confusément ce que, de son point de vue, il en est advenu de la pratique constitutionnelle plutôt que de se concentrer sur la critique circonstanciée de l’action et des réalisations du gouvernement. Il laisse ainsi l’impression de plaider pour une réforme constitutionnelle, sans pour autant rompre les ponts dans l’espoir d’une éventuelle entrée au gouvernement Akhannouch bis.

Dans la théorie comme dans la pratique, M. Lachgar use de l’âge de l’actuelle constitution qui a vu passer près d’un quart de siècle sur son adoption pour suggérer la révision de la loi fondamentale issue du 20 février en vue de renforcer, prétend-il, le rôle des institutions élues aux dépens des prérogatives, tant revendiquées par le passé, de la Chefferie de gouvernement, qu’il taxe d’« hypertrophiques ».

En définitive, l’actuel premier secrétaire de l’USFP serait en train d’abattre ses dernières cartes pour un retour à l’ancienne Constitution qui n’accordait pas d’aussi larges prérogatives au Chef du gouvernement, la seule à ses yeux à même de satisfaire ses envies gouvernementales, personnelles ou à défaut familiales, sans considération pour le projet du Parti, ni pour son histoire, ni encore pour son combat démocratique.