chroniques
Regards sur les coups d’État – Par Dr Samir Belahsen
Dans les coups d’Etat, il y a d’abord tout ce qu’on ne sait pas, ou qu’on ne peut pas confirmer. La vérité est toujours la première victime d’un coup d’État. En plus il est souvent difficile d’appréhender les rôles des services étrangers
Dans un précèdent article, j’avais souligné l’aspect particulier des réactions de la CEDEAO face au dernier coup d’État du Niger.
L’idée, dans cet article, est de reprendre les coups d’État réussis depuis 1990, aussi bien en Afrique puis en Amérique Latine pour y déceler des tendances et essayer de comprendre le phénomène.
En Afrique rappelons :
1-Madagascar (1991) - Un coup d'État militaire a renversé le président Didier Ratsiraka. Un processus de transition mènera à l'adoption d'une nouvelle constitution, en août 1992, et à la tenue d'élections libres, l'année suivante. Elles portent l'opposant Albert Zafy à la présidence.
2-Algérie (1992) - Un coup d'État militaire est intervenu en Algérie après l'annulation des élections législatives remportées par le Front islamique du salut (FIS). La proclamation de l'état d'urgence, le 29 février, est le prélude à une guerre civile sanglante qui fera plus de 200 000 morts.
3-Comores (1995) - Un coup d'État militaire a renversé le président Saïd Mohamed Djohar. Le mercenaire Bob Denard effectue un retour aux Comores, il débarque dans le port de Moroni, renverse le gouvernement. Saïd Mohamed Djohar est arrêté et mis en accusation pour mauvaise gestion et détournement de fonds. Même s'il reste dans l'ombre, Denard exerce le pouvoir.
4-Niger (1996) - Un coup d'État militaire a renversé le président Mahamane Ousmane, le premier président démocratiquement élu, resté trois années au pouvoir, et installe le général chef de l'état-major des Forces armées nigériennes Ibrahim Baré Maïnassara à la tête de l'État( IBM pour les intimes).
5-République centrafricaine (1996) - Un coup d'État militaire a renversé le président Ange-Félix Patassé en son absence par son ancien chef des armées, François Bozizé.
6-République démocratique du Congo (1997) - Un coup d'État dirigé par Laurent-Désiré Kabila ex-maoïste, habitué de la guerre de libération a renversé le président Mobutu Sese Seko.
7-Côte d'Ivoire (1999) - Un coup d'État militaire a renversé le président Henri Konan Bédié.
8-Guinée-Bissau (1999) - Un coup d'État militaire a renversé le président João Bernardo Vieira.
9-Madagascar (2002) - Un coup d'État militaire a renversé le président Didier Ratsiraka (deuxième coup d'État dans le pays depuis 1990).
10-Mauritanie (2005) - Un coup d'État militaire a renversé le président Maaouiya Ould Sid'Ahmed Taya.
11-Guinée (2008) - Un coup d'État militaire a renversé le président Lansana Conté.
12-Madagascar (2009) - Un coup d'État militaire a renversé le président Marc Ravalomanana.
13-Égypte (2011) – L’armée profite d’un soulèvement populaire pour renverser le président Hosni Moubarak.
14-Mali (2012) - Un coup d'État militaire a renversé le président Amadou Toumani Touré, conduisant à une instabilité politique et à une crise au Sahel.
15-Burkina Faso (2014) - Un coup d'État militaire a renversé le président Blaise Compaoré.
16-Zimbabwe (2017) - Une intervention militaire a entraîné la démission du président Robert Mugabe.
17-Soudan (2019) – Comme en Égypte, suite à un soulèvement populaire, l’armée a renversé le président Omar al-Bashir.
18-Niger (2023)- Un coup d’État militaire a renversé le président Bazoum
En Amérique latine, nous pouvons rappeler :
1-Venezuela (1992) - Un coup d'État militaire mené par Hugo Chávez a tenté de renverser le président Carlos Andrés Pérez.
2. Pérou (2000) - Un coup d'État a renversé le président Alberto Fujimori après des accusations de corruption et d'abus de pouvoir.
3. Équateur (2000) - Un coup d'État a renversé le président Jamil Mahuad.
4. Venezuela (2002) - Un coup d'État réussi a brièvement renversé le président Hugo Chávez, mais il a été rapidement rétabli par un mouvement de résistance populaire.
5. Honduras (2009) - Un coup d'État militaire a renversé le président Manuel Zelaya.
6. Paraguay (2012) - le président paraguayen Fernando Lugo a été destitué par le Sénat après une procédure d'impeachment. Cette destitution a été largement critiquée par plusieurs pays de la région qui y ont vu un renversement politique.
7- Honduras (2013) : Bien que cela ne soit pas un coup d'État au sens strict. Le Honduras a connu une crise politique en 2009 lorsque le président Manuel Zelaya a été renversé par l'armée. Depuis lors, le pays a connu une instabilité politique continue. En 2013, le président Porfirio Lobo a été remplacé par Juan Orlando Hernández lors d'une élection controversée,
8. Brésil (2016) : la présidente brésilienne Dilma Rousseff a été destituée suite à un processus d'impeachment. Bien que cela soit considéré comme une procédure légale, les conditions de la destitution et le rôle confus de l’armée
En Amérique latine, contrairement à l'Afrique, les coups d’État ont été motivés par des idéologies politiques spécifiques. Dans certains cas, ces coups étaient liés à des idées de gauche ou de droite, les interventions étrangères se font de plus en plus soft.
Il reste que les orientations politiques ne sont pas les seules explications des coups d'État en Amérique latine. Il y a aussi des facteurs économiques, sociaux ou même militaires qui varient considérablement d'un pays à l'autre.
En conclusion, tandis qu'en Amérique latine certains coups d'État peuvent être liés à un parti pris politique plus de gauche que de droite, en Afrique la tendance générale est difficile à catégoriser politiquement. Les coups d'État en Afrique sont plutôt motivés par des questions de pouvoir, de corruption , d’intervention étrangère et d'instabilité économique et sécuritaire.
Cette revue reste limitée. Il y a d’abord tout ce qu’on ne sait pas, ou qu’on ne peut pas confirmer. La vérité est toujours la première victime d’un coup d’État. En plus il est souvent difficile d’appréhender les rôles des services étrangers même si l’on sait que souvent ils sont déterminants. Il y a les coups qu’ils font directement, puis ceux qu’ils font faire et ceux qu’ils laissent faire…en armant, en finançant ou simplement par la propagande.