chroniques
Sahara / Köhler : Les doutes d’Alger
Il ne fait aucun doute que Horst Köhler est un personnage d’un grand gabarit, un homme de savoir et d’expérience qui force le respect. A ce titre il doit bien savoir que le cadre d’une solution au conflit du Sahara est déjà tout tracé et que sa mission est de persévérer dans ce sens en étant non pas un médiateur, mais un facilitateur
El Moujahid, organe officiel du FLN algérien, autant donc dire celui du pouvoir, amène pour la première fois une tonalité nouvelle à son discours sur le blocage d’une solution au conflit du Sahara. N’allez pas croire qu’il le met sur le dos d’Alger, non, c’est toujours la faute au Maroc et c’est encore « l’allié » du Maroc au sein du Conseil de sécurité, la France en l’occurrence, qui facilite cette attitude. « La nomination de M. Köhler quatrième envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU, après les deux américains James Baker et Christopher Ross et le hollandais Peter Van Walssun dénote en réalité, écrit-il, de cette impuissance éprouvée face aux blocages imposés par les puissances alliées d’un belligérant. » Peu optimiste quant aux chances du représentant d’Antonio Guterres, El Moujahid, laisse transparaitre les doutes d’Alger et souligne que « les échecs répétitifs des représentants spéciaux de l’ONU ou des envoyés personnels du SG de cette organisation auraient pu être évités si leurs efforts déployés en vue de trouver une solution politique mutuellement acceptée [sic] par les parties en conflit avaient bénéficiés de l’indispensable le soutien des grandes puissances. » Il en déduit que « contrairement à ce que d’aucuns pourraient naïvement croire, la responsabilité du blocage des processus onusiens n’incombe pas aux parties en conflit. Elle est du seul ressort de ces puissants qui ont main basse sur le Conseil de sécurité. » Voilà qui innocente Rabat, du moins en partie, de l’accusation perpétuelle que lui fait porter Alger dans la persistance depuis quatre décennies du conflit au Sahara.
Ce pessimisme, Horst Köhler ne semble pas le partager. De pied ferme, il part à l’assaut, propose une réunion des parties à Berlin comme pour effacer le Berlin de James Baker qui a vu le Maroc faire un pas en avant en proposant une troisième voie, rencontre le président rwandais Paul Kagamé qui devrait prendre la tête de l’Union Africaine fin janvier, discute avec le tchadien Faki Mahamat, président de le Commission africaine, comme s’il voulait remettre en harnachement l’UA dans un dossier où il n’a rien à faire, fait un tour par Bruxelles pour sonder les positions de l’Union Européenne et rencontre le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, probablement parce qu’il est convaincu, ou on l’a convaincu que le dossier ne pourrait prendre la voie qu’il voudrait lui imprimer sans l’aval de la France. Bien avant la rencontre, comme pour le prévenir, le Quai d’Orsay fait savoir que Jean-Yves Le Drian « rappellera l’attachement de la France au plein respect des accords de cessez-le-feu. Il réaffirmera le soutien de la France à une solution juste, durable et mutuellement agréée au Sahara occidental, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, et rappellera que le plan d’autonomie marocain de 2007 constitue une base sérieuse et crédible à cette fin.» En langage diplomatique, il a indiqué au représentant du secrétaire général de l’ONU, la piste qu’il faudrait continuer de creuser. Il ne fait aucun doute que Horst Köhler est un personnage d’un grand gabarit, un homme de savoir et d’expérience qui force le respect. A ce titre, outre que la solution n’est pas à Bruxelles ou à Addis-Abeba, il doit bien savoir que le cadre d’un dénouement est déjà tout tracé et que sa mission est de persévérer dans ce sens en étant non pas un médiateur, mais un facilitateur qui doit tenir compte des évolutions notables qu’a connues le dossier. Car si son prédécesseur a lamentablement échoué, c’est parce qu’il s’est écarté de cette voie.