chroniques
Stéphane… Ajourné - Par Salah El Ouadie
Le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Sejourné, s'exprime lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue marocain après leur rencontre à Rabat, le 26 février 2024. (Photo FADEL SENNA / AFP)
A pas hésitants et avec des mots titubants, M. Stéphane Séjourné, ministre frais émoulu des AE de France, a qualifié la question du Sahara, lors d la conférence de presse conjointe avec son homologue marocain, « d’enjeu existentiel » pour le Maroc.
Il a dû bien peser ses mots, lui, Français, sachant certainement par les leçons de l’histoire récente et moins récente, ce que cela veut dire – et ce que cela a voulu dire – par le passé, pour la France.
Le passé…
Ne citons pour l’exemple que la guerre franco- prussienne de 1870 avec toutes les reculades jusqu’à l’armistice, pour revenir à la charge plus tard afin de recouvrer – légitimement - l’Alsace et la Lorraine cédées à Bismarck. Ou encore la guerre intra-européenne pour le partage du monde – concocté sans vergogne au congrès de Berlin en 1884-85 - guerre baptisée « première guerre mondiale » en 1914. Puis la 2ème guerre « mondiale » déclarée fondamentalement pour les mêmes raisons, après que l’hydre hitlérienne a failli engloutir corps et bagages le vieux continent…
Ces guerres ayant édifié la France sur ce qu’un « enjeu existentiel » signifie, je n’ai pas la prétention de le faire réciter à M. Séjourné. Il doit avoir été briefé sur le sujet.
Surtout que, par le passé, la France a joué un rôle majeur dans le démembrement du Maroc pour n’en « protéger » que la partie juteuse, dite « utile », laissant à l’Espagne le soin de vaquer à sa mission « civilisatrice » ailleurs sur nos terres, en l’occurrence, et entre autres, au Sahara marocain.
La responsabilité historique de la France étant ainsi engagée, M. Séjourné comprendra bien que ses déclarations ont laissé un arrière-goût d’inachevé. L’Elysée a certainement dû lui-même être poussé à faire l’effort. Ce qui fait que ‘’l’effort’’ de la France, poussée à cet effet par sa situation peu reluisante en Afrique, reste insuffisant et peut donc mieux faire.
Car aujourd’hui il y a des responsabilités historiques qui doivent être assumées. Le fort sentiment de rejet africain pour tout ce qui rappelle la période coloniale – et qui englobe la France et brasse au-delà - est là pour le rappeler. Ce rejet n’est certainement pas passager ni limité. Les voix qui s’élèvent ne se contentent plus de se référer à la période coloniale, mais parlent également de devoir de mémoire embrassant les longs siècles d’esclavage. Le Maroc y est partie prenante et cette implication est, à la fois, une communauté mémorielle et de destin. Ce. partage du passé, du présent et de l’avenir a été pris en charge par le Maroc en Afrique, réalisant ainsi, conformément à une vision anticipatrice dès le début du millénaire, des avancées qui commencent à donner des fruits partagées et méritées…
Toutes ces raisons devraient inciter Paris à remiser au placard les anciennes postures de donneurs de leçon et de positionnement comme modèles de démocratie et d’humanisme. Elles sont frappées de caducité. Et le silence, qui a tout de complice, envers la guerre menée par Israël contre les Palestiniens a fini de déshabiller le prince.
Mais revenons au bilatéral. Le positionnement de la France dans cette affaire éminemment « existentielle » pour notre pays, a marqué un net changement en rappelant avec force cette fois-ci son appui au plan d’autonomie au Sahara, mais elle garde – néanmoins – une distance par rapport à la reconnaissance pure et simple de sa marocanité.
Espérons toutefois, et sans mauvais jeu de mots, que cette reconnaissance n’est qu’…ajournée.