chroniques
Terrorisme, La France ciblée à nouveau
Par Ahmed Charaï - Les Français d’origine maghrébine ont une pratique religieuse wahhabite très différente de celle qui a cours dans les pays d’Afrique du Nord. Les populations jeunes, souvent ignorantes de leur propre religion, sont happées par cette lecture fondamentaliste de la religion
Alors même que le pays fait face à l’une des crises sociales les plus importantes de son histoire, l’attentat de Strasbourg plonge la France dans un nouveau malaise à la veille des fêtes de Noël. Les débats politiciens, souvent sans intérêt, parce que sans expression, sans connaissance réelle du problème, prennent le dessus comme d’habitude.
Le terrorisme est endogène en France, c’est la première des réalités. Il est le fait de Français nés en France, scolarisés en France, recrutés et embrigadés en France. L’échec de l’école républicaine, appelée «les quartiers» est une vraie problématique qui plombe l’ensemble des politiques d’intégration. Mais il serait illusoire de croire que seules les questions sociales sont à la base du terrorisme. La France a une arme extraordinaire, la laïcité. Mais force est de constater que, par faiblesse, par peur de stigmatiser ou, pire, par enjeu électoraliste, des politiques ont laissé les Islamistes radicaux ébrécher ce mur, cette laïcité. A la place, et ce depuis des décennies, c’est une pratique rigoriste de l’Islam qui s’est installée en France.
Les Français d’origine maghrébine ont une pratique religieuse wahhabite très différente de celle qui a cours dans les pays d’Afrique du Nord. Les populations jeunes, souvent ignorantes de leur propre religion, sont happées par cette lecture fondamentaliste de la religion. Ce travail de contrôle, de mainmise idéologique est facilité par les reculs sur la question de la laïcité, c’est indéniable. Cela dit, les profils des terroristes se ressemblent tous. Ce sont des délinquants, radicalisés en prison et qui passent très vite à l’action. Ce sont donc des individus déjà en rupture de ban. Rodés à l’usage de la violence. Le lien avec le terrorisme international se résume souvent aux réseaux sociaux. C’est une vraie difficulté pour les services de renseignement parce que cela élargit, de manière considérable, la population de suspects potentiels et que la France est un État de droit.
Cet aspect sécuritaire est très important, mais il est loin d’être déterminant. Tous ceux qui aiment la France, son histoire, constatent avec effroi à quel point cette société est fracturée. Gérard Collomb, l’ex ministre de l’Intérieur, avait prédit dans son dernier discours, «si nous n’agissons pas, nous aurons des Français face à d’autres Français». L’histoire malheureusement lui a donné raison.
Ces fractures sociales se retrouvent partout en Europe et s’expriment même dans les urnes. L’Espagne, longtemps épargnée, parce que le franquisme servait de repoussoir, connait un véritable sursaut de l’extrême droite. Le malaise et l’ambiance générale rappellent ceux des années 30 qui ont abouti à une catastrophe, la guerre.
La mondialisation, parce qu’elle exclut une partie des populations, n’y est sans doute pas étrangère. Les réflexes de repli identitaire ne sont que la conséquence des phénomènes d’exclusion.
Le Premier ministre Français parle de «retisser l’unité nationale». C’est le signe que les responsables savent la profondeur de la fracture et la nécessité de la résorber. Ce sont maintenant les politiques publiques qu’il faut mettre en place pour y arriver. C’est une urgence vu le malaise actuel.