chroniques
Voir midi à sa porte, voilà ce que nous faisons
Charles de Gaulle, évoquant le conflit armé de 1963 entre la Maroc et l’Algérie, confie que « ce sont des histoires d’arabes […] nous aidons les Marocains en leur fournissant des armes [et] nous aidons les Algériens en mettant à leur disposition notre aérodrome de Colomb – Bechar. Nous les aidons à s’entretuer »
Algérie Patriotique est un site algérien qui appartient à Lotfi Nezzar, fils du général Khaled Nezzar, ex-ministre de la défense et pendant de longues années l’homme fort de l’armée, qui a conduit le coup d’Etat contre Chadli Benjedid et fait basculer le pays dans la guerre civile. Il a pour profession et en même temps violon d’Ingres la quête permanente des poux dans la tête du Maroc. Son dernier exploit sur ce champ de bataille, la découverte d’une sorte de verbatim d’Alain Peyrfitte, ministre sous Charles de Gaulle, dans lequel il livre ses discussions avec le général fondateur de la cinquième république. Algérie Patriotique croit cet ouvrage, intitulé C’était de Gaulle, récent alors que la publication de sa première édition remonte à 1994. C’est un ouvrage de plus de 650 pages, dense et riche comme pouvait l’être le général. Mais Algérie Patriotique n’en retient que deux brefs passages. Dans l’un d’eux, le président français, évoquant le conflit armé de 1963 entre la Maroc et l’Algérie, confie à son ministre que « ce sont des histoires d’arabes […] nous aidons les Marocains en leur fournissant des armes [et] nous aidons les Algériens en mettant à leur disposition notre aérodrome de Colomb – Bechar. Nous les aidons à s’entretuer ».
L’idiot aurait pu éviter de regarder le doigt du sage quand celui-ci lui montrait la lune. Mais de but en blanc, du coq à l’âne, et sans trop s’outrer de semblables propos, le site en déduit que c’est cette approche qui expliquerait « le soutien aveugle » de Paris à Rabat dans l’affaire du Sahara. Un Marocain, celui que je suis par exemple, pourrait répondre que c’est cette politique qui éclaire la position à équidistance de la diplomatie française dans cette affaire alors qu’en tant qu’ancienne puissance coloniale elle a dans ses archives de quoi étayer les vraies frontières du royaume. Je pourrais y ajouter que c’est sur la position hostile d’Alger à l’égard du Maroc que Paris prend pied pour entretenir la tension et la division dans la région.
Voir midi à sa porte, voilà ce que nous faisons. Et de Gaulle n’a pas raison seulement quand il se fait l’expression des intérêts de son pays. Il a aussi raison en assurant qu’il « faut qu’ils se chamaillent » sous entendant, et là il ne parle pas que de l’Algérie et du Maroc, que la constance querelle est dans la nature arabe. « Il y a bien deux mille ans que c’est comme ça », précise le général comme pour dire qu’il n’y a pas de raison pour que ça ne continue pas. Propos décalé pourtant dans la bouche de ce soldat d’une Europe qui a provoqué en moins d’un demi-siècle deux guerres mondiales et sortait à peine de la plus atroce et la plus meurtrière de l’histoire. Amnésique, il a effacé de sa mémoire et dans sa foulée, la guerre de cent ans et toutes les guerres napoléoniennes, pour ne citer qu’elles. Dans les propos de Charles de Gaulle, rapportées par Alain Peyrfitte, c’est de cela qu’il fallait, qu’il faut surtout débattre ainsi que du passé coloniale dont il semblait si nostalgique. Ça nous aiderait peut-être à revenir à l’essentiel.