société
La main invisible de l’Etat sur l’information
Le secteur des m?dias au Maroc a toujours ?t? soumis ? des pressions que se soit de la part de l?Etat ou du priv? (annonceurs). Eclairage sur la situation du champ m?diatique national.
L?un des traits de la situation marocaine en mati?re de connaissance des m?dias (classiques et nouveaux) est que la litt?rature sur le sujet est encore faible. Et pour cause, Il existe peu d??tudes sur l??conomie des m?dias au Maroc, qu?il s?agisse des grandes tendances ou m?me des ?volutions sectorielles. C?est en substance la conclusion phare ? l?issue de la premi?re table ronde d?Economia tenue hier par le Cesem, centre de recherche de HEM, sous le th?me ??l??conomie de l?information et information ?conomique??.
Pour Sa?d Essoulami,?directeur du Centre pour la libert? des m?dias dans le monde arabe et consultant international, le grand producteur au Maroc reste toujours l??tat, ? travers ses moyens de production de l?information : la t?l?vision publique, la radio, les journaux qu?il contr?le. L??tat est, par ailleurs, un grand acteur ? travers la MAP. L?agence de presse officielle est, en effet, toujours la source d?information pour une grande partie des m?dias. Le gouvernement n?a pas autoris? l?entr?e sur le march? de cha?nes de t?l?vision priv?es. L?entr?e d?investisseurs ?trangers reste confin?e dans un cadre officiel. Par ailleurs, il y a souvent une opacit? sur l?actionnariat, sur les propri?taires.
L??tat est pr?sent au sens o? des m?dias d?pendent ?norm?ment de l?argent public. La t?l?vision n?a jamais fait de profit sans la manne publicitaire et la redevance des consommateurs. L??tat est toujours l?, ? soutenir. Il g?re un mod?le ?conomique d?faillant, mais jug? gagnant au niveau politique.
Le priv?, quant ? lui,?est oblig? de se diversifier. Par exemple, le groupe?Ecomedia, soutenu par le milieu des affaires de la place casablancaise et qui a commenc? en cr?ant un petit journal, est maintenant en possession de deux grands quotidiens, l?un en fran?ais et l?autre en arabe, d?une imprimerie, d?une ?cole de journalisme, d?une radio?;?de plus, il est en lice pour une t?l?vision priv?e. Cependant, notons d?autres types d?investisseurs priv?s pour lesquels le m?dia est un outil d?all?geance, d?pendant de la publicit?, mais mis au service de certains acteurs ?conomiques en vue d?accro?tre leur visibilit? ou d?acteurs politiques en mal de popularit?.
Les Marocains lisent selon leur feeling
Dire que le papier ne sera plus la r?f?rence ne signifie pas que ce dernier va dispara?tre. La r?flexion de Khalid Hariri, pr?sident de la soci?t??Telquel Media, ?ditrice du magazine?Telquel est claire. Au Maroc, les m?dias num?riques auront une part de plus en importante comme source d?information. Mais avec un mod?le ?conomique qui n?est pas encore clair.
Pour lui, un simple benchmark avec nos voisins alg?riens pose clairement la probl?matique de la volatilit? du lectorat. Ainsi, pour mieux pr?voir l??volution de la viabilit? ?conomique de la presse, la radio, la t?l?vision et les m?dias ?lectroniques, il faut des ?tudes fiables sur l?audience. ?tude qui pourrait expliquer, un jour, pourquoi un journal comme Al Watan, atteint 400.000?/?500.000 exemplaires vendus en Alg?rie alors qu?il est majoritairement ? disposition, en format PDF, la veille, gratuitement, tandis que le meilleur quotidien au Maroc a de la peine ? d?passer 80.000 ou 120.000 exemplaires, alors m?me qu?on est 30 millions de personnes. Il faudrait ?tudier peut-?tre aussi comment des quotidiens qui atteignaient 120.000 exemplaires vendus par jour il y a dix ans n?en ?coulent aujourd?hui que 6.000. Comment expliquer cette volatilit? des publics??
Il y a aussi un probl?me de langue et de structure entre la presse et le public. Lire en fran?ais ou lire en arabe induit, malheureusement, deux publics tr?s distincts. Les annonceurs et les soci?t?s de publicit? l?ont bien compris. Les m?mes produits ne sont pas annonc?s de la m?me mani?re dans un magazine arabe ou fran?ais, la langue ?tant un marqueur important de la nature du public qui est cibl?.
Il faudrait s?interroger enfin sur le positionnement vis-?-vis du pouvoir politique. C?est syst?matique et v?rifiable chaque fois. Si le m?dia est n?gatif, qu?il critique quasi syst?matiquement, il attire les lecteurs. D?s qu?il devient moins excessif, plus objectif, en ?tant positif ou critique selon les cas, il perd une grande partie de ses lecteurs.