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Jacques Vergès chez El-Khatib à El-Jadida - Par Mustapha JMAHRI

La rencontre des avocats, Jacques Vergès avec Abderrahmane Youssoufi, opposant socialiste marocain irréductible, puis Premier ministre sous Hassan II et Mohammed VI
Le célèbre avocat Jacques Vergès a-t-il visité la ville d’El-Jadida ? C’est maintenant certain et c’est grâce au docteur Abdelkrim El-Khatib que cette visite eut lieu en 1958. C’est d’ailleurs ce qu’on peut lire dans un article intitulé Jacques Vergès le Marocain de la journaliste Nina Kozlowski, paru dans le mensuel Zamane du mois d’avril 2019.
Moulay Ismail Alaoui, ancien secrétaire général du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS), neveu du docteur El-Khatib, révéla à la journaliste qu’il se souvenait parfaitement d’avoir vu Jacques Vergès dans la maison de sa grand-mère à El-Jadida au cours de l’été 1958. Comme chacun savait, cet avocat s’était lié d’amitié avec son collègue maître Abderrahmane El-Khatib, le frère du docteur Abdelkrim El-Khatib. Moulay Ismail ne donne pas plus de détails sur ce séjour à El-Jadida.
Cet épisode était intervenu alors que Jacques Vergès collaborait auprès du docteur Abdelkrim El-Khatib qui était chargé par le Roi Mohammed V des contacts avec les mouvements de libération africains. Les pays africains se libéraient du colonialisme. Abdelkrim El-Khatib, né en 1921 à El-Jadida, avait écrit dans ses mémoires : « Le Maroc avait continué jusqu’à la libération de toutes les zones spoliées à aider les mouvements de libération africains en matière d’armements, d’assistances financières et alimentaires en mettant à la disposition des combattants des centres d’instruction militaire ». Cette politique africaine s’était notamment construite avec la collaboration de Jacques Vergès qui avait été expulsé de France parce qu’il défendait les Algériens et notamment la militante Jamila Bouhired.
Né le 5 mars 1925 en Thaïlande d’une mère vietnamienne et d’un père réunionnais, Jacques Vergès grandit sur l’île de la Réunion. En 1942, à l’âge de dix-sept ans, après une première année de droit, il quitta la Réunion pour s’engager dans la Résistance. Il rallia ensuite l’Angleterre en 1943 pour s’engager auprès des Forces françaises libres, décision qui marquait le début de son engagement politique qui dura toute sa vie. En 1945, il adhéra au Parti communiste français.
En 1957, Jacques Vergès défend Jamila Bouhired, combattante emblématique du FLN qui devint son épouse, en deuxièmes noces, pendant quelques années et dont il eut deux enfants. Plus tard, il assura la défense d’Anis Naccache, militant libanais pro-palestinien (1982), de Klaus Barbie, chef de la Gestapo à Lyon (1987), du terroriste vénézuélien Carlos (1997) et de Tarek Aziz, ancien ministre des Affaires étrangères d’Irak (2009). Autant de clients qui valaient à ce juriste expérimenté une réputation d’avocat du diable. Il se fit également remarquer dans l’affaire du jardinier marocain Omar Reddad condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle en 1994, avant de bénéficier, en 1996, d'une grâce partielle.
Jacques Vergès visita El-Jadida à l’âge de 33 ans et décéda à Paris le 15 août 2013 à 88 ans.