Reportage : Le bouillon de la Médina

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Du Centre-ville ? la plage, l'avenue Mohamed V traverse la M?dina. Un parcours rocambolesque au centre du c?ur battant de Rabat.

D?pass? le grand march? central et ses odeurs de poissons, ses pi?ces de viandes pendues aux crocs des bouchers, ses ?piceries fines, et c'est un bouillon de vie. Une esp?ce de cours des miracles grouille de jour comme de nuit?: la M?dina. Elle brasse la foule qui bat les pav?s encombr?s de l'Elgza, prolongement de?l'avenue Mohammed V, dans une cadence infernale. Il faut en saisir le rythme, zigzaguer ? travers les passantes et les passants, les p?trolettes avec leurs lots de sacs de l?gumes, le vieil aveugle laissant tra?ner sa canne qui se fraie, pourtant, tranquillement son chemin. Il y a d'abord les vendeurs nomades qui ?talent leurs merveilles sur de vieux draps au sol. Au caf? de la Paix, les anciens trouvent refuge le temps d'un th? ou d'un kawa bien noir. Et ?a continue. L'homme au pistolet de savon vous balance ses bulles au visage tandis qu'un autre agite un hochet qui couine pour les m?mes. On se demande toujours qui peut offrir ce genre de cadeaux bruyants, sans se mettre ? dos les parents. Les gardiens de la paix, Meroud, font figuration parmi tout ce brouhaha. On bifurque subitement derri?re un homme en djellaba qui s'est stopp? net, ??Salam, crie-t-il au gar?on adoss? au mur, devant son stand de DVD pirat?s. Derri?re lui, ?mane le spectre du cin?ma Mauritania, d'une tristesse r?sign?e devant ce business du 7?me art bon march?. Nagu?re, a-t-on racont?, les gens se lovaient dans ses salles obscures pour regarder les derniers films bollywoodiens ou les bluck buster am?ricains.

??Vous les femmes, vous le charme??, passe en boucle dans la chaine hifi du stand voisin. A quelques pas, les deux fr?res jumeaux du petit salon de coiffure pour hommes attaquent la journ?e, rasoir en main. A ce stade-l?, on aper?oit les grandes portes de la mosqu?e. Un tas de chaussures tr?ne devant l'entr?e, c'est l'heure de la pri?re. Le marchand d'escargots pousse son chariot dans l'avenue parfum?e par les fum?es de fritures, titillant les narines. De jeunes filles d?vorent des saucisses rouges dans un snack de la rue, chez ??Toubib??, ??parce que, parait-il, lorsque tu as faim, tu as mal et apr?s avoir mang? tu es gu?ri??. Son concurrent, Ba Jeloul ouvert ? partir de 22 heures, attire, lui, les clients nocturnes pour ses beignets de pommes de terre. Les vendeurs nomades poussent comme des champignons selon les heures de la journ?e. Il y en a pour tous les go?ts, mais peut-?tre pas pour tous les estomacs. Accoud?s au comptoir de la boulangerie, trois gar?ons se partagent une part d'un condens? de cr?me en trois ?paisseurs, tout en sirotant un ?pais liquide vert, le jus d'avocats press?s. Le jus de cannes ? sucre, lui, est devenu populaire plus r?cemment. Roulements de tambours et krakeb, deux bonhommes en habits traditionnels gnawa balancent la cadence. Quand le ciel se couvre, les parapluies remplacent en un battement de cil les v?tements de seconde main et accessoires en tout genre vendus dans la rue. Il faut alors jouer des coudes pour se frayer un passage entre les grappes de chaussures qui pendent sous les toiles des ?choppes. La famille Tredano s'affaire autour des t?l?viseurs dispos?s devant leur c?l?bre boutique d'?lectronique. En jetant un regard vers les toits plats, l'on distingue les ribambelles de paraboles, plus ou moins r?centes, qui, elles, contemplent le monde. Une pluie rafra?chissante tombe d?j? ? grosses gouttes. De la M?dina, l'on retient une chose. Parfois, dangereuse, souvent joyeuse, elle cache ses tr?sors comme ses riad. Reste ? garder les yeux grands ouverts.

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