Au Festival de Cannes, la nuit sans fond

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Le mannequin polonaise Magda Swider arrive à la projection du film "La Plus Précieuse des Marchandises" lors de la 77e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 24 mai 2024. (Photo Christophe SIMON / AFP)

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A Cannes, le marathon des films projetés cède place le soir à un marathon de fêtes, où l'alcool sponsorisé et gratuit coule à flots. Un brassage entre le gala du Met et les soirées underground.

De grands noms de l'alimentaire ou de spiritueux sponsorisent pendant 15 jours des plages privées, muées chaque soir en boite de nuit.

"Même si on vient pour s'amuser, faire la fête, on n'oublie pas pourquoi on est là, on a des projets", assène Giorgio Besc, un apprenti acteur qui espère se faire des contacts.

Cette dynamique entretient aussi sa part d’ombre : à la faveur de #MeToo, la parole s'est déliée en 2017 et les actrices Judith Godrèche ou Asia Argento ont décrit un système de prédation sur la Croisette, avec intermédiaires et invitations de jeunes artistes dans les suites de palaces.

La Croisette se transforme aussi à la tombée de la nuit en podium de défilé.

Si "tu es un peu apprêtée, si tu as l'attitude et l'outfit, même si tu n'as pas un euro sur ton compte, tu rentres !", explique Hanae Violay, créatrice de contenus de 23 ans qui filme ses tentatives en direct pour ses 200.000 abonnés.

"Je pense que ce qui est spécial à Cannes, c'est que tout le monde est bien habillé. À Los Angeles, tout le monde sort avec des baskets et des jeans", confirme Olu Ajayi, une scénariste américaine.

"Mélange incroyable" 

Quand les plages ferment à 2h00 du matin et que les "happy few" ont fini leur "dîner de film" ou leur +before+ dans une villa sur les hauteurs de la ville, la cohorte noctambule rallie l'un des clubs éphémères de la cité.

"Que la critique soit positive ou négative, tout le monde se retrouve le soir pour célébrer la projection du film. Les critiques, on s'en fiche à partir du moment où le champagne coule à flot", dit Daphnée, qui travaille dans la mode.

Le repaire festif le plus difficile à aborder est le Silencio, déclinaison cannoise du club parisien à carte de membre décoré par le cinéaste David Lynch.

"Ça réunit des gens du monde entier -- des gens du cinéma, de la mode, de la musique -- donc c'est un mélange incroyable. Je crois qu'il n'y a pas d'équivalent dans le monde", indique son patron, Arnaud Trisch, qui a des clubs à Paris, New York et Ibiza.

On y croise le même soir un réalisateur canadien connu, un ancien ministre, le directeur d'une institution culturelle nationale, un ancien joueur de l'OM, des agents immobiliers médiatiques...

"Bonne énergie"

A la porte du Silencio, Sascha Lupker joue, selon la légende, le deuxième rôle le plus influent du festival... après le président du jury.

"Ce à quoi je fais attention, c'est à la connexion que nous établissons avec les gens, c'est-à-dire s'ils connaissent la marque et si je les connais. Est-ce qu'ils apportent la bonne énergie que nous voulons dans nos clubs ?", répond le physionomiste, tout en séchant un groupe de cinq garçons à l'oeil torve.

L'autre joyau de la nuit cannoise, beaucoup plus confidentiel et interlope, est le Vertigo, club éphémère de l'équipe de la Queer Palm (un prix alternatif du meilleur film abordant les questions LGBTQI), explique Christopher Landais, son co-gérant.

"Il y a parfois des gens que l'on ne voit pas de l'année et que l'on retrouve uniquement à Cannes ou au Festival de Berlin ou ailleurs", dit cette figure depuis 20 ans de la nuit cannoise.

Il est 05h00 mais Cannes ne serait pas Cannes sans que ne bruisse la rumeur d'un dernier rendez-vous festif, cette nuit-là, dans un giga club échangiste kitsch, loué avec humour par l'équipe d'un film international en compétition. (AFP)