En Libye, une variété de dattes venues du Maroc s'épanouit sur la côte

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Des ouvriers cueillent des dattes « Majhul », originaires des régions semi-arides du Maroc, réputées pour leur grande taille, leur texture tendre et leur riche goût sucré. (Photo de Mahmud Turkia / AFP)

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Dans la campagne fertile de Misrata en Libye, entre oliviers et agrumes, Ismaïl Ben Saoud a fait le pari risqué de planter des palmiers-dattiers d'une variété inédite dans le pays, le majhoul, qui s'épanouit si bien que le cultivateur envisage d'exporter ses dattes.

Originaire de zones semi-désertiques du Maroc, peau sombre, froissée mais fine, la variété majhoul, très prisée dans le monde arabe, n'est pas habituée au climat doux et humide de la côte méditerranéenne.

"On disait que ce palmier-dattier ne pouvait pas survivre dans le nord (du continent), surtout à proximité de la mer", explique à l'AFP le cultivateur de 51 ans, fier d'avoir prouvé le contraire dans son exploitation de cinq hectares proche de Misrata, grande ville portuaire de l'ouest.

Inauguré avec les premières plantations en 2016, son projet de 700 dattiers a commencé à produire des fruits à partir de 2020.

"Quatre ans plus tard, la récolte est très satisfaisante. Encore un ou deux ans et elle sera optimale. A force de faire des essais, des corrections, on s'améliore d'année en année", se félicite M. Ben Saoud, soulignant qu'il n'utilise "que des fertilisants biologiques".

Les dattes sont très prisées des Libyens et souvent exposées comme des joyaux dans une vitrine de bijoutier.

Pesant jusqu'à 50 grammes, le fruit du dattier majhoul, charnu, tendre et très sucré, a la réputation d'être gorgé de vitamines et sels minéraux.

Suivi de ses deux fillettes, la bouche pleine de dattes, M. Ben Saoud inspecte ses arbres, vérifie le degré de maturité des fruits et l'état de la terre avant d'ouvrir les robinets pour arroser de jeunes plants déjà porteurs de fruits.

Une fois cueillis, les régimes de dattes, jaune sombre, murissent à leur rythme dans des filets à mailles serrées, pour les protéger des oiseaux et des insectes.

Dans les ateliers, des ouvriers pèsent les fruits un par un avant de les conditionner dans des boîtes d'un demi ou d'un kilo. La précieuse variété majhoul se vend autour de 80 dinars le kilo (15,7 euros) contre 6 (1,18 euro) à 20 dinars (4 euros) pour les autres dattes libyennes.

Fruit sacré 

Pour les Libyens comme dans tout le monde arabe, la datte et son arbre sont sacrés. Maintes fois citée dans le Coran, elle a une place d'honneur dans les pâtisseries des mariages et des fêtes, et à la rupture du jeûne de Ramadan.

Dans un supermarché de Misrata, les vendeurs proposent des dattes de toutes les régions libyennes, notamment des oasis du sud comme Waddan. On y trouve aussi de la mélasse ou de la pâte de dattes pour préparer les fameux "makrouds" (gâteaux de semoule fourrés à la datte, très populaires au Maghreb) ou des dattes farcies aux amandes et enrobées de chocolats dont raffolent les Libyens.

Pour Najwa, une infirmière égyptienne d'une quarantaine d'années venue se ravitailler, "la qualité des dattes libyennes s'est améliorée depuis la guerre (la Révolution de 2011, ndlr) parce qu'on accorde plus d'attention à ce produit".

Même s'ils sont citadins en grande majorité, les Libyens restent très attachés à la terre.

"Nous avons remarqué ces dernières années que beaucoup (de Libyens) se tourn(ai)ent vers l'agriculture. Ainsi l'intérêt pour l'olivier, le palmier-dattier et les légumes a augmenté, générant des revenus", explique l'expert agricole Salah Shagan.

La Libye, pays aux réserves pétrolières les plus abondantes d'Afrique, est minée depuis la chute du pouvoir de Mouammar Kadhafi en 2011 par les rivalités entre les principales régions et des luttes de pouvoir qui ont fragilisé son économie.

Depuis plus d'un demi-siècle, le pays dépend quasi exclusivement des revenus d'hydrocarbures. Il tente toutefois de diversifier ses exportations, en particulier d'huile d'olive et de dattes.

D'après le ministère de l'Agriculture qui dispose d'une direction spécifique pour les dattes, la Libye, forte de 10 millions d'arbres, a exporté en 2023, plus de 50.000 tonnes de dattes.

Pour M. Ben Saoud aussi, "la prochaine étape sera l'exportation mais avant, nous devons nous assurer de répondre à la demande locale qui est assez élevée".

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