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Thaïlande: les droits des personnes trans, nouveau combat de la communauté LGBT+
Le médecin thaïlandais Kachisarah Sridakhot (G), également connu sous le nom de "Dr Bruze", et l'acheteuse de mode thaïlandaise Jesselyn Nakprasit (D), connue sous le nom de "Jessie" lors de Miss Tiffany's Universe 2024 pour les femmes transgenres thaïlandaises. Les LGBTQ ont remporté une grande victoire lorsque les législateurs ont adopté un projet de loi qui légaliserait les mariages entre personnes de même sexe, une première en Asie du Sud-Est.. (Photo de Lillian SUWANRUMPHA / AFP)
La Thaïlande est en passe de devenir le premier pays d'Asie du Sud-Est à adopter le mariage pour tous, mais la communauté LGBT+ n'a pas fini de lutter car la reconnaissance des droits des personnes transgenres reste en suspens.
"C'est de la discrimination", relève Kachisarah Sridakhot, 26 ans, médecin dans un hôpital de la capitale Bangkok.
Bien que s'identifiant comme une femme, elle reste un homme aux yeux de la loi thaïlandaise qui ne reconnaît pas le changement de genre.
A la banque comme à l'aéroport, à chaque fois qu'il faut présenter des papiers d'identité, des situations banales peuvent devenir difficiles, voire humiliantes, pour elle.
Le royaume jouit d'une image de grande tolérance envers la communauté LGBT+, mais les stéréotypes de genre restent bien ancrés dans une société largement conservatrice et bouddhiste.
En école de médecine, Kachisarah Sridakhot portait l'uniforme associé aux hommes, se souvient-elle.
"On m'expliquait que les patients ne l'accepteraient pas, alors que les patients, ce qu'ils veulent, c'est simplement être soignés", estime-t-elle.
Les personnes transgenres victimes de stigmatisation, de discrimination ou de harcèlement bénéficient d'une protection juridique limitée, selon un rapport de l'ONG Human Rights Watch datant de 2021.
Les militants ont appelé les autorités à suivre le changement engagé dans d'autres parties du monde sur le question de la mention de sexe à l'état civil, sans succès pour le moment.
Un projet de loi dans ce sens, présenté par le principal parti d'opposition Move Forward (MFP), a été retoqué en février.
Dans ce contexte, la légalisation prochaine de l'union des personnes de même sexe, une première en Asie du Sud-Est, pourrait laisser un goût d'inachevé.
Projet de loi populaire
Un nouveau texte d'émanation populaire, signé par plus de 10.000 personnes - le seuil légal -, devrait toutefois arriver au Parlement dans le courant de l'année.
"Les gens pourront déclarer s'ils sont de sexe masculin, féminin ou non-binaire", explique Nachale Boonyapisomparn, une militante trans qui a travaillé sur le projet.
Cette loi permettrait également aux personnes transgenres d'accéder plus facilement et en toute sécurité à des soins médicaux vitaux.
Pour Tunyawaj Kamolwongwat, député MFP, il s'agirait d'une importante avancée pour la Thaïlande.
"Les personnes LGBT+ auront ainsi le sentiment d'exister réellement dans la société", assure-t-il.
Kachisarah Sridakhot prend particulièrement cette question à cœur.
Originaire de la province rurale et pauvre d'Ubon Ratchathani (nord-est), elle était une enfant timide et ses parents étaient mal à l'aise lorsqu'elle exprimait sa personnalité.
Elle a commencé sa transition de genre à 17 ans et a suivi des études de médecine avant d'exercer aujourd'hui comme médecin spécialisée dans la santé sexuelle.
"J'ai essayé de me prouver que je pouvais être acceptée par la majorité de la société", explique-t-elle.
Sous le nom de "Dr Bruze", 6.000 abonnés la suivent sur son compte TikTok où elle distille informations et conseils sur les pratiques sexuelles sûres ou les prises d'hormones.
"Je connais des personnes qui ont eu des problèmes de foie parce qu'elles ne prenaient pas leurs médicaments correctement", explique-t-elle.
En fin de compte, elle espère qu'une meilleure connaissance de la communauté LGBT+ changera les perceptions.
"Si la société thaïlandaise nous acceptait vraiment, nous n'aurions pas à lutter ou à faire nos preuves", conclut-elle. (AFP)