TRIBUNE : L’éthique de l’olympisme et l’équité à parfaire – Par Eugène Ebodé

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Soufiane Rahimi, meilleur buteur des JO 2024 avec le capitaine de l’équipe Hakimi

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Les jeux d’été de la XXXIIIe olympiade des temps modernes viennent de s’achever à Paris. Ils ont été salués pour l’organisation impeccable. L’audace, la gaieté et l’innovation lors de la parade d’ouverture comme le futurisme enchanté de la cérémonie de clôture ont marqué les esprits. On retiendra les exploits du nageur Léon Marchand, la puissance du judoka Teddy « Winner », le fulgurant et indétectable tir à trois points de Stephen Curry et le fantastique onze marocain de balle au pied. 

Défaite de manière peu orthodoxe en demi-finale, la sélection marocaine a souffert de la passivité du corps arbitral et de la mise à l’écart des instruments technologiques pourtant adoptés afin d’assurer des résultats sportifs incontestables. Ceci a donné le sentiment que l’Afrique n’était destinée qu’à participer et très peu, en dehors des courses de fond et de demi-fond, à être célébrée dans toutes les disciplines.  

L’équipe d’Espagne, après son triomphe à l’Euro de football, a remporté le titre olympique de la discipline. A-t-elle pour autant été la meilleure au plan éthique et des valeurs de l’olympisme ? Tout observateur sérieux admettrait que la véritable médaille d’or du jeu construit et des actions concrétisées selon un schéma cohérent revient au Maroc. Cette équipe africaine, par son enthousiasme, son art de l’attaque élaborée et son assurance dans le geste définitif, car incisif, a été la lauréate de l’épreuve. Le collectif marocain est le vainqueur moral du football de ces olympiades 2024. Demi-finaliste de la Coupe du monde de football au Qatar, le groupe marocain a cette fois pu bénéficier d’un buteur chirurgical - qu’il convient de congratuler pour sa puissance, son élégance, son jaillissement et la précision de sa frappe comme de son jeu de tête. Toute l’équipe a respecté ses adversaires en les corrigeant méticuleusement. Sauf l’Espagne - surtout durant la seconde période du match au cours de laquelle un seul tir marocain a été mollement cadré, les autres pourchassant probablement d’infortunés pigeons égarés dans le stade. L’adversaire disposait, certes d’individualités marquantes et d’une tradition :  le « Tiki-taka » barcelonnais ou l’art de la conservation du ballon pour épuiser l’adversaire par le redoublement des passes ; mais ce sont les joueurs marocains qui « tiki-takaient » le mieux, de sorte que l’Espagne n’a échappé à la fessée que grâce à l’arbitre et à l’étrange apathie de l’encadrement marocain. L’arbitre aurait dû sortir un carton rouge quand un attaquant marocain a subi une « cravate » assassine alors qu’il filait au but, et d’autres tacles et actes répétés d’antijeu des Espagnols n’ont pas été sanctionnés avec la sévérité méritée. Pire, le deuxième but de la « Roja » arrive après un ballon vraisemblablement sorti du terrain sous l’œil impavide du corps arbitral.

Pour le spectateur impartial, le management du sport international protège les prétendues grandes nations. Notamment par l’arbitrage à deux vitesses, autrement dit, par la tricherie volontaire et organisée. Elle paie encore et les technologies, inventées pour suppléer les défaillances humaines des arbitres, deviennent subitement muettes ou esquivées. 

Une question s’impose : avons-nous eu des Jeux olympiques propres à Paris ? Au plan environnemental, la preuve a été donnée que le verdissement des jeux était un bon slogan, car la Seine est redevenue (sous certaines conditions) baignable. Par contre, du point de vue éthique, il conviendra ici de remettre l’ouvrage sur le métier. Car le malpropre est encore à l’œuvre et l’élimination du Maroc en demi-finale a été la preuve du refus de l’équité et la poursuite du primat ethnocentrique. Les J.O. demeurent une affaire confisquée par l’Occident du fait de ses politiques sportives et des moyens mobilisés pour lui octroyer un avantage structurel décisif pour la ruée vers l’or olympique.

À vaincre sans périls, on triomphe sans gloire, rappelle l’adage. Il y avait pourtant un péril éthique que l’arbitrage partisan n’a pas réussi à déjouer. Comment éviter que perdure l’iniquité ? Les J.O devraient se doter d’une commission intercontinentale examinant aussi l’équité sportive. Elle serait comme un Juge suprême du Sport, après que le terrain a parlé et des erreurs identifiées. Cette commission de sages délivrait ainsi une « suprême médaille » aux équipes qui ont défendu l’idéal olympique et l’éthique sportive. L’équipe de football du Maroc à Paris, pour avoir joué jusqu’au bout le jeu de la flamme olympique éclairant le monde avec l’esthétique pour cadre et la perfection du geste athlétique pour ambition, a donné une belle preuve de la sportivité en acte. Elle a triomphé de l’Argentine de manière épique ; elle a baissé pavillon contre l’Ukraine pour mieux surclasser les adversaires suivants jusqu’à la leçon de clôture qu’a reçue l’Égypte. Ce fut grandiose. Les perdants sont à réconforter, Les États-Unis d’abord, qui ont été balayés sans contorsion. Quant à l’Égypte, c’est avec une touchante sincérité que ses joueurs ont suggéré à l’arbitre de mettre fin, lors de la petite finale, à une sorte de supplice chinois. Elle n’était qu’une superbe partie de ballon rond à six buts, dont un coup franc magistral du capitaine Achraf Hakimi. Il a sèchement et délicieusement nettoyé la lucarne droite du gardien de but égyptien de toiles d’araignée. Pulvérisés lors de la bataille pour la médaille de bronze, les Pharaons ont été momifiés dans la course au symbolique trône africain. Ils sauront certainement se défaire de leurs bandelettes et ils se relèveront. Honneur aux épatants Lionceaux de l’Atlas, Olympiens dans le jeu et Olympiens par le comportement.

Pour l’édition prévue à Los Angeles en 2028, espérons que l’Afrique de l’olympisme se distinguera davantage par la quantité des sportifs qualifiés pour prendre part aux jeux que par le surnombre de l’encadrement supposément technique. Les jeux sont à tous, certes, mais d’abord aux athlètes et non aux touristes, même déguisés en sportifs. Cette règle doit aussi faire partie de l’éthique des nations et du respect des jeux.