Le Monde face au suicide collectif - Par Abdeslam Seddiki

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Les périodes de très forte chaleur, qui arrivaient une fois par décennie vers 1900, se succéderont six fois par décennie ; la périodicité des précipitations pourrait doubler tous les dix ans, avec plus de 550 désastres par an dès 2030, faisant plus de 150 millions de victimes par an en 2050..

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Alors que le monde connait une multiplication de catastrophes naturelles sous forme de sécheresses répétitives, d’inondations ravageuses, d’incendies destructeurs, il est temps de réfléchir à l’avenir de ce monde et à l’humanité dans son ensemble. Il est temps de nous interroger sur les risques que court l’humanité suite à cet acharnement de la nature qui prend sa revanche par rapport à l’agression systématique dont elle a fait l’objet au cours des siècles, voire des millénaires. 

Tous les appels lancés par les scientifiques et les chercheurs, face à la gravité de la situation, ne sont pas parvenus à éveiller les consciences. Tous les engagements pris dans les différents sommets et rencontres mondiales sont restés pour l’essentiel de simples vœux pieux, à commencer par les engagements des accords de Paris pris dans le cadre de La COP 21.    Les risques climatiques ne relèvent plus de nos jours de simples hypothèses. Le réchauffement de la planète devient désormais une réalité avec toutes les conséquences que cela entraine.  Partout à travers le monde, on assiste à des catastrophes naturelles de grande ampleur. La presse nous rapporte quotidiennement des nouvelles inquiétantes à ce sujet.  Les prévisions pour l’avenir proche et lointain sont loin d’être rassurantes. Il serait utile de consulter le dernier ouvrage de Jacques Attali pour s’apercevoir du danger que court le monde dans les décennies à venir, si rien de concret n’est fait pour conjuguer les efforts et contrôler la situation. (cf « Le Monde, modes d’emploi. Comprendre, prévoir, agir, protéger », éd. Flammarion 2023)

Ainsi, les périodes de très forte chaleur, qui arrivaient une fois par décennie vers 1900, se succéderont six fois par décennie ; la périodicité des précipitations pourrait doubler tous les dix ans, avec plus de 550 désastres par an dès 2030, faisant plus de 150 millions de victimes par an en 2050. Sur plus de la moitié de la planète, l’air deviendra irrespirable. Des inondations, des températures extrêmes détruiront des ponts, des routes, des barrages, isolant certaines régions.

Le maintien du PIB de ces pays à son niveau actuel ne sera même pas envisageable. Le niveau de vie des habitants de ces pays s’effondrera. D’ailleurs, une étude d’Allianz, publiée tout récemment, a chiffré le coût économique de l’inaction climatique. Ainsi, on a évalué à 0,6 % du produit intérieur brut mondial la perte provoquée par les vagues de chaleur des trois derniers mois. Cette évaluation est sous-estimée dans la mesure où les calculs effectués sont approximatifs et incomplets. Ils ne prennent pas en compte le coût des catastrophes naturelles, comme les feux de forêt, les sécheresses ou les sévères inondations qui les ont accompagnés. Ils se concentrent uniquement sur l’effet bien connu de la chaleur sur la productivité : une journée trop chaude est susceptible de ralentir un chantier, voire d’entraîner sa fermeture temporaire. La même situation se produit dans les exploitations agricoles, où les conditions de travail peuvent devenir insupportables. Or les salariés qui œuvrent dans des lieux non climatisés sont moins efficaces. (cf Le  Monde du samedi 12 aout) Une telle étude a en effet l’inconvénient de s’inscrire  dans la logique productiviste   qui était en grande partie, à l’origine des dérèglements climatiques. 

A terme, à l’horizon 2050, une grande partie de l’Afrique, de l’Asie du Sud, de l’Europe du Sud, et des États-Unis sera effacée.  L’Europe du Sud connaîtra une sécheresse permanente. Les incendies de forêts seront multipliés par six aux États-Unis. La plupart des glaciers disparaîtront, en particulier aux pôles, dans les Alpes, dans la Cordillère des Andes et dans l’Himalaya, bouleversant la température des océans, où se déversent les fleuves dont dépendent les courants ; le niveau de la mer pourrait monter de 20 cm dans le Pacifique, de 35 cm dans l’Atlantique et de 45 cm dans le golfe du Bengale ; ce qui entraînerait l’engloutissement des Pays-Bas, du Pakistan, du Bangladesh, de la Silicon Valley, et d’une grande partie de villes comme Venise, Miami, La Nouvelle-Orléans, Dubaï, Shenzhen, Shanghai, Pékin, Jakarta, Ho chi min City, Alexandrie, Bassorah et la plupart des villes côtières de la région équatoriale ; de plus, la hausse de la température entraînera des incendies dans les forêts boréales  et d’autres  accéléreront la déforestation de l’Amazonie  considérée comme le poumon du Monde. (cf. Althusser op.cit)

Plus grave encore, à ce rythme, dès 2030, 90 % des récifs de corail (où se trouvent 25 % de la vie marine et dont dépend l’alimentation de 500 millions de personnes) seront détruits, ce qui supprimera une barrière de protection des côtes, et accélérera la dégradation de l’équilibre chimique de la mer, ce qui pourrait suffire à remettre en cause la présence de la vie sur celle planète.

Le processus de réchauffement climatique sera alors devenu irréversible ; des phénomènes cumulatifs se déclencheront : l’augmentation de la température provoquera la destruction des forêts sibériennes et le relâchement dans l’atmosphère du méthane contenu dans le permafrost. Il n’y aura plus suffisamment d’espaces disponibles sur la planète pour planter les arbres nécessaires à la captation des gaz à effet de serre. Il sera trop tard pour revenir en arrière et empêcher un désastre sans fin.

C’est dire que la menace climatique est à prendre au sérieux. Elle n’est pas la seule malheureusement. Il y a une deuxième menace de l’espèce humaine, c‘est l’hyper conflit : on se battra pour l’eau, pour la nourriture, pour des matières premières, pour un partage plus juste des richesses, pour s’approprier ou envahir un territoire, pour le quitter, pour s’isoler du monde, pour le conquérir, pour imposer une foi, pour en combattre une autre, pour faire régner des valeurs, pour chasser des gens de chez soi, ou de chez eux.

Bien sûr, le pire n’est jamais certain. On pourrait toujours y remédier en agissant vite et collectivement en mettant l’intérêt de l’humanité au-dessus des intérêts égoïstes de chacun pour soi. De toutes les façons, il serait vain de croire que la question climatique peut être résolue à l’échelle d’une région et encore moins d’un pays. C’est à l’échelle mondiale   que la question doit se traiter.   Les peuples du monde entier ont une responsabilité à ce niveau ne serait-ce que pour exercer une pression sur leurs gouvernements à travers leur bulletin de vote et l’organisation des forums populaires autour du climat. Des actions comme celle qu’a entrepris la jeune suédoise Greta Thunberg, engagée dans la lutte contre le changement   climatique, méritent d’être élargies à travers le monde. J. Attali plaide pour le lancement d’une « Alliance internationale des gens de bonne volonté » pour construire les institutions nécessaires à la mise en œuvre locale et planétaire du Grand Virage. Vaste projet !

Dans tous les cas, il est permis d’espérer une solution qui nous épargnerait cette marche aveugle vers un « suicide collectif ». Pour cela, Il faut absolument rompre avec la logique productiviste et s’intéresser davantage au vivant et à la préservation de l’équilibre biologique de notre planète.  C’est notre bien commun à tous. 

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