Y a-t-il un pilote dans l’avion ? – Par Seddik Maaninou

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Le pont doré de Huê, soutenu par deux mains géantes qui rappellent par leur taille les visages des présidents américains sculptés dans les montagnes de Rushmore dans l'État du Dakota.

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Après ses victoires sur les armées française, américaine et chinoise, Le Viêtnam ferma ses frontières et décida de régler ses comptes avec les ennemis intérieurs d'hier. Dix ans durant, le pays a vécu une véritable tragédie où des centaines de milliers sont morts de faim, tandis que quatre millions, qui seront surnommé les Boat people, ont quitté le pays dans des "bateaux de la mort". La moitié périra noyée...

Après cette sombre période, Hanoï a changé de fusil d’épaule et s’est ouvert sur l'extérieur en vue d'attirer des capitaux étrangers pour soutenir le développement... Ils ont décliné à cette fin l’idée qu’il importait peu  si l'argent provenait de "l'ennemi américain", du colonisateur français ou du frère ennemi chinois, l'essentiel est qu’il arrive pour construire des usines et des manufactures... Sans attendre, ils ont mis en place une loi incitative, des exemptions et des subventions. Tout au long d'une récente visite, pas une seule fois je n'ai entendu "le Vietnam est le pays des martyrs" ou le pays de "la force de frappe". Pourtant sept millions de vietnamiens sont tombés dans les guerres de libération...

Les portes grandes ouvertes

Les communistes vietnamiens n’ont pas décidé que tout investisseur ne pourrait détenir que 49% du capital, et que l'État conserverait la majorité, au contraire de ce qu’ont fait les dirigeants algériens qui vivent encore à l’heure du maoïsme et du stalinisme, quand on exécutait toute personne en possession d’un dollar... Mais contrairement au choix d’Alger, les Vietnamiens ont compris que l'agriculture est essentielle au développement, exploitant le moindre are, défrichant 42% de la superficie forestière, ils ont évité non seulement les famines, mais aussi les interminables queues pour les besoins les plus élémentaires. Tout le monde ne peut pas en dire autant. 

Comment devant le miracle vietnamien en cours de réalisation, ne pas se remémorer ce que Houari Boumediene, vaniteux et gavé de la fumeuse théorie ‘’ de l’industrie industrialisante’’, a déclaré. ‘’Pour transformer l’Algérie en puissance industrielle qui, assure-t-il, planera au-dessus l'Afrique’’, il allait ‘’laisser l'agriculture et l'élevage aux Marocains, car ils sont arriérés depuis longtemps’’. Au final, les Algériens ont perdu l'agriculture, n'ont pas réussi l'industrie, et n'ont rien su faire dans le tourisme. 

Les Vietnamiens qui ont ouvert leur pays au tourisme comme source de développement, d'emploi et de devises étrangères, voient arriver des millions de touristes chaque année et des milliards de dollars s'accumuler dans le trésor de l'État.

Le pont de l’Unité

Je me suis arrêté un moment dans la ville de "Huê" au centre du Vietnam, pour visiter une station balnéaire construite par les Français au sommet des montagnes à une altitude de 1550 mètres. Les Vietnamiens l'ont préservée et développée. On y accède par "téléférique", un voyage de vingt minutes au-dessus d'une luxuriante forêt. On arrive ensuite à un pont doré, soutenu par deux mains géantes qui m'ont rappelé par leur taille les visages des présidents américains sculptés dans les montagnes de Rushmore dans l'État du Dakota... La ville française est un "petit Paris" combinée à Walt Disney au milieu de magnifiques paysages naturels... J'ai déjeuné avec des compagnons de voyage dans un restaurant qui accueille trois mille touristes, et il y a six restaurants similaires servant des repas à seize mille visiteurs à la fois.

Le plus grand et le plus puissant

Avant d’aller plus loin, il serait utile de préciser que si le Vietnam me renvoie constamment à l’Algérie, c’est parce que les deux révolutions présentent quelques similarités et auraient pu avoir un parcours post indépendance comparable. Or, notre pays voisins n’a rien su faire de son magnifique désert, se s’est renfermé sur lui-même, n'accueillant pas plus cinquante mille visiteurs par an.

Par nature ou par autre chose, l'Algérien croit que son pays est le plus grand, le plus fort, le meilleur. Il ne supporte pas la contestation ni ne tolère le débat et devient agressif dès que vous essayez de le ramener sur terre. Il est convaincu être né pour vivre et gouverner, pas pour travailler et se fatiguer. Il croit également qu'il est avilissant pour un Algérien, encore plus pour une Algérienne, de servir un touriste... Je me souviens que lors de ma visite à la ville d'Annaba, avoir demandé dans un estaminet avec vue sur mer, un café à un serveur grognon. J'ai attendu une demi-heure avant qu’il me l’apporte, mais sans sucre. Quand je le lui ai rappelé et demandé un verre d'eau, il m'a répondu en substance... "Prends ce qui est devant toi ou laisse-le... Tu es mon frère dans l'Algérie des moudjahidines...".

Voilà donc deux pays, l’un enferré dans le passé et la logorrhée, l’autre concentré sur l’avenir. Le Vietnam a des programmes nationaux clairement définis pour l'avenir. Mon interlocuteur me disait : « L’autoroute avant 2030 et le train à grande vitesse avant 2035 ». Mais une chose reste incompréhensible dans le Vietnam communiste : l'absence de liberté d'expression, de presse, de multipartisme, et le non-respect des droits de l'homme. Une mutation stratégique que les Vietnamiens devront tôt ou tard, le plus tôt serait le mieux, réaliser.

La force de frappe 

Les programmes chiffrés au Vietnam constituent un objectif national, tandis que l'Algérie tâtonne sans boussole. Son agriculture ne répond pas aux besoins du pays, son industrie est bloquée dans les années 60, le tourisme est inexistant, et le pétrole et le gaz ne dureront pas éternellement... Aujourd'hui en Algérie, les lois sur l'investissement sont floues et une centaine d'investisseurs algériens en prison... 

Le pays des "millions de martyrs" est égaré, ses soldats sont corrompus, sa présidence mythomane. La "force de frappe" n'a pas trouvé un strapontin chez les BRICS, même si le président Tebboune a visité Moscou et fait la cour à Poutine, s’est rendu en Chine et pris sur les caisses des Algériens un milliard et demi de dollars pour les donner à des pays plus riches, ressassant  que "l'entrée de l'Algérie dans les BRICS n’était qu’une formalité compte tenu de la taille, de la puissance économique et de l'influence de l'Algérie sur le cours des événements"... 

L'avion algérien est sans commandant de bord, balayé par les vents, sans cap ni projet national clair. Les militaires considèrent le peuple algérien comme leur chose, et le territoire algérien comme une propriété privé. Le pays des martyrs n'a rien à montrer et pourtant l'Algérien ne souffre pas la comparaison : Il est le meilleur, le plus fort, et il n'a qu'un ennemi : "almarrouk"...".