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Cuba: la FAC, l'espace alternatif de La Havane qui oxygène la culture
Des œuvres d'art à La Fabrica de Arte Cubano (La fabrique d'art cubain) à La Havane, le 10 mars 2024. Dans une ancienne usine de La Havane, un groupe d'artistes a conçu il y a dix ans un labyrinthe de musique "techno", de galeries de travaux plastiques et de photographie, de mode et de divertissement. Aujourd'hui, l'Art Factory (FAC) est un espace alternatif de renommée internationale qui oxygène la culture cubaine. (Photo YAMIL LAGE / AFP)
Dans une ancienne usine de La Havane, un groupe d'artistes a lancé il y a dix ans un lieu alternatif d'art et de divertissement. Aujourd'hui de renommée mondiale, la Fabrica de Arte (FAC) insuffle un oxygène salvateur à la culture cubaine.
"Depuis que nous avons ouvert ici, c'est géré par des artistes, toujours en regardant l'œuvre et les messages", explique à l'AFP X Alfonso, fondateur et chef de file du projet avant-gardiste.
Le bâtiment industriel situé dans le quartier aisé de Vedado se distingue de loin par la cheminée proéminente d'un ancien moulin à huile.
Chaque semaine, du jeudi au dimanche, des centaines de jeunes viennent pour l'équivalent de quatre dollars écouter des concerts, assister à des spectacles de danse, voir des pièces de théâtre, une installation artistique ou simplement déambuler, un mojito à la main, dans ses couloirs recouverts d'œuvres contemporaines.
"Ici, on peut voir des choses qu'on n'imaginerait même pas trouver" à Cuba, déclare à l'AFP Olivia Rodriguez, une musicienne de 30 ans, en attendant la prestation du chanteur de salsa cubain Issac Delgado.
Sa prestation a fait partie des célébrations autour du dixième anniversaire de la FAC.
Comme La Havane, le lieu a connu des années fastes après le rétablissement des relations entre Cuba et les Etats-Unis en 2015 sous la présidence de Barack Obama (2009-2017). Des célébrités telles que Quincy Jones, Michelle Obama et Jon Bon Jovi ont visité les installations du centre.
"Station-service pour l'âme"
Des bateaux de croisière américains débarquaient emplis de touristes avides de rouler dans une vieille décapotable et découvrir la vie nocturne de La Havane. En octobre 2019, le magazine américain Times a inclus la FAC dans sa liste des 100 meilleurs endroits à visiter dans le monde.
En l'absence d'un musée d'art contemporain dans la capitale cubaine, l'usine, ainsi que des sites similaires tels que La Lavanderia et Estudio 50, maintiennent l'offre d'exposition de talentueux jeunes créateurs cubains.
Les propositions provocatrices et légères de certains artistes ont "parfois" causé des problèmes, admet X Alfonso, sans s'attarder sur le sujet.
"Nous faisons de l'art, ceux qui veulent en faire de la politique peuvent le faire, c'est leur problème", estime-t-il, accoudé au comptoir d'un des nombreux bars du lieu.
"C'est comme une station-service pour l'âme et c'est de cela qu'il s'agit", explique le compositeur et interprète, lauréat du Latin Grammy 2022 du meilleur album folk pour "Ancestros" avec le groupe Sintesis formé par ses parents et auquel il a collaboré.
Faire fonctionner un projet de cette envergure est un parcours du combattant depuis le marasme de l'après Covid et alors que Cuba est confronté à de récurrentes pannes d'électricité et des pénuries de carburant.
Avec environ 300 emplois directs et indirects, l'usine est une "union d'entreprises privées au sein d'un établissement public" qui s'autofinance, sans sponsors, explique X Alfonso, fier de ne devoir "rien à personne".
"Le plus important est que l'usine soit considérée comme un être vivant, vivant à Cuba, avec tous les besoins et les problèmes qui existent. Mais elle est toujours vivante et essaie toujours de vivre, de survivre", ajoute-t-il.
En octobre, l'usine a été menacée de fermeture par les autorités qui cherchaient à réduire la consommation d'électricité de l'île. C'est "une petite chose parmi des milliers d'autres qui nous sont arrivées", sourit l'heureux chef de ce projet iconoclaste sur l'île communiste. (AFP)