Séparation et laïcité à l’Académie du Royaume

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L’Académie du Royaume du Maroc lance un nouveau cycle de conférences en partenariat avec l’Académie Française. Ce cycle sera inauguré le jeudi 14 Février 2019 à 18h30 par une première conférence, sous le thème Séparation et Laïcité. Cette conférence inaugurale sera animée par le Professeur Emérite Jean-Luc Marion à l’Université Paris-Sorbonne et membre de l’Académie Française.

La conférence se déroulera au siège de l’Académie du Royaume du Maroc, 4, Avenue Mohammed VI, Souissi – Rabat. Elle sera précédée d’un séminaire avec les doctorants des universités marocaines à 16h.

Jean-Luc Marion est sans conteste l’un des plus brillants philosophes de sa génération. Né à Meudon le 3 juillet 1946, il a suivi un parcours universitaire sans faute : l’École normale supérieure, où il étudie avec Louis Althusser et Jacques Derrida, l’agrégation, le doctorat. Il enseigne ensuite à l’université de Poitiers en 1981, puis à l’université Paris X-Nanterre avant d’occuper la chaire de philosophie à Paris-Sorbonne de 1995 jusqu’à son éméritat en 2012. Successeur d’Emmanuel Lévinas à la chaire de métaphysique, professeur invité au département de philosophie de l’université de Chicago où il succède à Ricœur, Jean-Luc Marion participe à partir de 1985 à la refondation, avec Didier Franck, des archives Husserl de Paris à l’École normale supérieure. Il est aussi cofondateur de la revue catholique Communion et directeur de la collection Épiméthée aux Presses universitaires de France. Il est élu à l’Académie française le 6 novembre 2006.

Le problème de la présence des communautés religieuses dans une société dite laïque, comme l’est la société française,  que le conférencier compter aborder, ne peut se comprendre qu’en distinguant plusieurs questions. La première consiste à faire un bilan des options politiques prises par les catholiques français depuis la Révolution française. On y constate deux tendances de passer alliance avec deux forces politiques, dont chacune pouvait sembler promise à dominer: d’une part les traditionalistes conservateurs, d’autre part les progressistes socialistes ou communistes; ces deux alliances ont été tentées de fait et elles ont toutes deux conduit à des impasses ruineuses. Depuis le début de la Ve République, les catholiques ont admis ces échecs, qui furent non seulement politiques mais aussi spirituellement dommageables. Ce qui signifie que le développement du catholicisme en Franc ne peut pas ni ne doit pas passer par une domination politique, mais par l’attestation de sa vitalité spirituelle propre. La seconde question concerne ce que l’on nomme habituellement la “laïcité”, et que l’on devrait plutôt nommer la séparation, comme le fait d’ailleurs la loi de 1905. Cette séparation de l’Eglise et de l’Etat signifie non pas la répression de la religion, mais la neutralité religieuse de l’Etat, l’absence de toute religion de l’Etat. Cette séparation s’est rapidement imposée pour deux bonnes raisons. La première tient à l’origine biblique de la séparation, et au fait que cela correspond à la plus authentique tradition théologique de l’Eglise catholique (et pour une large part des églises chrétiennes). La seconde tient au fait que la neutralité de l’Etat constitue la possibilité de maintenir l’ordre dans une société qui n’est pas religieusement neutre, mais où coexistent plusieurs religions. L’Etat est religieusement neutre parce que la société ne l’est pas. La troisième question concerne le rôle spécifique des communautés religieuses dans une société. Dans le cas de la France, où la devise de la République affiche le triple idéal de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, il est désormais devenu évident que si, à la rigueur et non sans difficultés, on peut atteindre les deux premiers termes par des moyens politiques, le troisième dépasse et de loin ce que l’Etat peut produire et même espérer. La solidarité entre les membres de la société doit donc de plus en plus passer par des associations volontaires, des communautés ouvertes et des engagements personnels. Dans ce contexte, les communautés de croyants, en particulier en France de chrétiens, peuvent jouer un rôle essentiel, ne serait-ce que parce que la charité définit essentiellement le mode de vie des chrétiens. La question se pose alors de savoir si et comment d’autres communautés religieuses (en particulier musulmanes) peuvent, elles aussi, remplir cette fonction, en restant à la fois elles-mêmes et inscrites dans le cadre de la séparation.