L’alignement des astres – Par Mokhtar Salamate

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Aziz Akhannouch le 11 octobre 2021 à Rabat au siège de la Primature, cap sur la première réunion du Conseil de gouvernement (Crédit photo MAP)

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L’alignement des astres qui marquent l’avènement du gouvernement Akhannouch est une chance en soi mais il invite, cependant, à beaucoup de prudence.

Il est vrai que les urnes du 8 septembres 2021 ont été sans appel. La participation remarquable. La majorité gouvernementale ramassée. Des programmes clairs. Un gouvernement compact et compétent. Un chef de gouvernement légitime et fédérateur. Une convergence avec les projets royaux jamais égalée. Une vraie ambition collective de réforme est notable. C’est presque trop beau pour être vrai !

De l’autre côté du miroir nous avons une opinion publique attentive. Des espoirs fondés. Des effets d’annonce qui attendent des concrétisations. Une impatience remarquable. Et des besoins criards qui attendent, depuis des années, des réponses sérieuses. Un vrai défi pour tous et un challenge pour chacun.

Que peut justifier cette prudence ontologique ? C’est simple. La vie politique n’est jamais un long fleuve tranquille et l’enfer est toujours pavé de bonnes intentions.

Le problème n’est ni le chef du gouvernement ni son équipe gouvernementale qui est, presque individuellement, et dans l’ensemble assez correcte. Le casting est tellement réussi que d’aucuns comparent, d’une manière « sardonique », ce gouvernement à un conseil d’administration. Et pourquoi pas ? D’autres regrettent, par ailleurs, la faible politisation de cet ensemble gouvernemental et la forte prégnance technocratique en son sein. Où est le mal sachant que l’on a connu pire !

Le contexte lui-même de ce changement drastique voulu par les urnes a crée à la fois une libération extrême — la fin de 10 années de « pjdisme » gouvernemental parfois assez minable — et une tension, une angoisse, assez palpables par rapport à ce que peut cacher l’avenir immédiat.

La vie politique, elle-même, avec ses retournements de tendance parfois abrupts. Les aléas de la vie sociale. Les défis géopolitiques et sanitaires. Les conjonctures économiques mondiales réversibles et mouvantes. Les dangers climatiques qui pèsent désormais sur nos vies et sur nos activités agricoles et sur nos infrastructures. Un voisinage fébrile et inutilement belliqueux. Le tout peut concourir à une perception anxiogène de notre environnement. En clair le monde n’est pas un monde de « bisounours » où l’optimisme béat le dispute à la naïveté satisfaite d’elle-même.

Les Marocains ne supportent plus ni les bonimenteurs, ni les faux dévots, ni les imposteurs. Il faut leur parler un langage de vérité. Et Aziz Akhannouch, et son gouvernement devrait, maintenant que la présentation devant le parlement, est faite et le programme exposé, quitter le mode électoral et le mode conquête de pouvoir gouvernemental, pour s’atteler à la tâche.

Une idée s’impose avec force. Rompre avec un discours de séduction et développer un discours « Churchillien » qui invite les Marocains au travail, à l’effort, à la sueur et au labeur. Le changement ne se fera pas dans ce pays sans leur contribution décisive. Une mobilisation collective exceptionnelle pour changer le pays et le faire passer, par analogie sportive, de la ligue 1 à la Champions League. Et cela est une affaire de tous. Il faut le dire et le marteler. Et ne pas laisser les gens croire que cela tombera tout cuit du ciel

Une autre idée, celle d’un vrai «choc» fiscal, à l’envers, pour libérer immédiatement les énergies, attirer les capitaux, ouvrir les bas de laine, stimuler la confiance et faire fleurir les investissements. Les astres étant alignés : Palais royal-Chef de gouvernement- gouvernement – patronat – a priori favorable de l’opinion publique etc., la confiance devrait naturellement revenir et avec force. Nous avons fait des Assises de la fiscalité qu’on mette en place les recommandations d’urgence sans lanterner. S’il faut pour lancer ce processus une espèce d’amnistie fiscale quelconque, allons-y pourvu que nous sortions de l’attentisme.

Le front social, quant à lui, ne supporte plus le « Dire ». Il faut désormais le « Faire » et vite. L’action. Le projet royal d’envergure dans ce domaine devrait voir le jour méthodiquement et avec célérité. Cela ne sert à rien de promettre des jours meilleurs à des gens qui n’ont rien et qui attendent depuis longtemps alors que les élections ont eu sur eux un effet de lendemains qui chantent. Il faut faire très attention à ne pas vite décevoir les gens chez lesquelles nous avons suscité des attentes vitales.

Sur le plan éthique, et c’est essentiel, ce gouvernement est attendu au tournant. Il le sait. La femme de César doit être irréprochable. Il faut prendre toutes les mesures concrètes et les annoncer pour neutraliser les conflits d’intérêt, les soupçons de collusion ou les ententes illicites dans certains secteurs économiques. Le Chef du gouvernement trouvera sur son bureau le rapport de la Commission Jettou sur la réforme du Conseil de la concurrence et l’affaire des hydrocarbures, il doit le traiter avec diligence, avec équité et le clôturer dans les 100 jours qui viennent. Il y va de la crédibilité collective de tout l’édifice construit. Il y va aussi de l’avenir des objectifs définis. Et il y va des chances de réussite de ce projet. En outre la valeur éminemment symbolique de ce dossier éthique n’échappe à personne.

Dans toute démocratie il y a une opposition agissante. L’opposition au gouvernement Akhannouch est pour l’instant « groggy ». Cela ne veut pas dire qu’elle ne se réveillera pas un jour. Il y a les déçus de la ministrabilité. Il y a les recalés. Il y a les sanctionnés par les urnes. Et il y a ceux qui sont sommés dès ce jour de préparer une alternance crédible pour demain. La puissance de cette opposition sera fonction de la vitesse d’exécution de ce gouvernement, de son pouvoir de trouver des solutions et de sa capacité à livrer. Sinon, si l‘affaire se corse et que le gouvernement a des ratés, ce ne sont pas les bataillons parlementaires de la majorité actuelle — une armée de godillots — qui pourront sauver l’image et la crédibilité, au demeurant réels, de cet exécutif qui a — probabilité historique exceptionnelle — tous les atouts de son côté aujourd’hui.

Grâce à l’art et à la manière dont SM Le Roi a géré la crise du Covid, on peut dire que le Marocain s’est un peu rabiboché, réconcilié, avec son État. La Société et l’État peuvent, dans des conditions précises, faire des miracles. Et des miracles ont été faits. Le gouvernement Akhannouch doit cultiver cet acquis considérable, ne pas le dilapider. Tout ce qui peut concourir à réconcilier les Marocains avec leur Education, leur Justice, leur Administration ou leurs Services publics, il doit être consolidé. C’est là où réside une bonne partie de l’espoir actuel de cette nation. Nous savons qu’à l’impossible nul n’est tenu, mais nous savons aussi que les êtres humains peuvent parfois se surpasser. C’est le trait de culture des grands peuples.

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